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vernement vaincu avec la loi, discrédité par beaucoup de ses partisans plus encore que par ses adversaires naturels, et disparaissant devant un ennemi surpris de sa victoire. Bien des causes ont pu contribuer à cette chute ; il en est une qu’on peut saisir : c’est le travail obstiné de déconsidération pratiqué autour de ce gouvernement, c’est l’absence de sévérité morale dans l’usage de la liberté, c’est aussi une grande timidité ou une grande inconsistance de foi politique dans bien des esprits. On a vu en 1848 des hommes qui étaient certainement des constitutionnels sincères confirmer quelques-uns des mots injurieux de M. de Lamartine, dire qu’ils avaient vu de trop près les derniers gouvernemens pour en être épris, et que les opinions libérales n’avaient pas beaucoup de sacrifices à faire pour passer à la république. Les opinions libérales n’avaient à sacrifier tout simplement que la monarchie, et lorsqu’on la sacrifiait si bien le lendemain, il est douteux qu’on ne la sacrifiât pas un peu la veille, sans le vouloir ou sans le savoir. M. de Nouvion commence son livre en disant que la monarchie de 1830 aura toujours le tort de n’avoir pas duré, et que si elle est tombée, c’est qu’elle a failli. Pris dans un sens étroit et rigoureux, le mot serait injuste ; mais l’auteur a voulu dire indubitablement que si ce gouvernement n’a pas vécu, lorsqu’il réunissait toutes les conditions de grandeur et de durée, c’est qu’on n’a pas fait tout ce qu’il fallait pour le faire vivre. Chassons donc de l’histoire cette force des choses qui en altère la moralité, et remettons à sa place la responsabilité des hommes, trop enclins à s’étonner ou à se méprendre lorsqu’ils voient éclater d’une façon terrible, irrésistible, ce qui n’est qu’une conséquence de leurs erreurs et de leurs faiblesses. Ce sont là les leçons des choses contemporaines pour les gouvernemens aussi bien que pour les peuples, s’ils ne veulent pas être éternellement exposés à se voir jetés dans des crises où ils n’ont plus qu’à choisir entre la résignation à tout ce qui arrive et une plainte inutile.

Il n’y a pas pour le moment en Europe de ces faits politiques ou diplomatiques, heureusement exceptionnels, qui ont un intérêt général. Ceux qui auraient pu devenir graves ont été habilement contenus dans les limites d’une crise passagère à Constantinople. Ceux qui peuvent émouvoir et attirer les regards longtemps encore sont lointains, comme les événemens de l’Inde. La politique se réduit donc à un certain nombre de questions ou d’incidens qu’on peut voir se succéder au nord, au midi, au centre de l’Europe, et qui se lient aux affaires particulières des divers pays. Au nord, la Suède était naguère agitée par un débat des plus sérieux sur l’abrogation ou plutôt sur l’adoucissement des restrictions imposées jusqu’ici à tous les cultes autres que la religion nationale. Cette question de la liberté religieuse a eu un assez malheureux sort, puisque la diète suédoise a repoussé les propositions royales. La maladie du roi Oscar, premier auteur de ces propositions libérales, a pu contribuer à ce résultat, et aujourd’hui cette maladie s’est aggravée encore plus. Le roi est tombé dans un tel état de santé, qu’il ne peut plus porter le poids du gouvernement, et d’après les prescriptions constitutionnelles, les chambres suédoises ont reçu l’avis qu’il y avait lieu de nommer un conseil de régence. Ce conseil doit se composer de vingt membres appartenant par égales portions à la Suède et à la Norvège, il a pour président un prince de la maison royale. La Suède peut donc se trouver à la veille d’un changement de règne, événement toujours grave dans un pays monar-