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des renseignemens positifs, M. Armand Coste, donne la somme de 15 francs comme le minimum de ce qu’un homme peut gagner communément sur les mines, ce qui suppose une moyenne générale au moins égale à celle que je viens de déduire des indications du docteur Trask. En Australie, la situation du mineur n’est pas moins favorable. Ainsi en 1854, dans le district de Ballaarat, un des plus productifs de la colonie de Victoria, qui elle-même est la plus riche en or, d’après un document parlementaire de 1856[1], le salaire ordinaire d’un mineur, mesuré de même par la quantité d’or qu’il extrait, a été par jour de 30 shillings ou 37 francs 80 centimes. La somme de 15 shill. (18 fr. 90 cent.) est indiquée comme un minimum dans le même document. Nous n’exagérons donc rien, bien au contraire, si nous adoptons ici, comme en Californie, la somme de 19 francs pour le montant normal de la rétribution présente du mineur : 19 francs! disons-le en passant, quelle différence avec l’orpailleur du Rhin, auquel sa journée de travail rapporte de la poudre d’or pour 1 fr. 50 c. ou 2 fr.[2], et qui continue le métier! Si donc les champs d’exploitation conservaient indéfiniment la même richesse, la valeur de l’or pourrait baisser jusqu’à ce que la somme de 19 de nos francs actuels en or ne fut plus que le prix ordinaire de la journée de travail dans la Californie et l’Australie, après que le prix des subsistances et le montant des salaires y auront trouvé leur niveau définitif. Or on est fondé à penser que, dans la Californie et l’Australie, la journée de travail doit graduellement se rapprocher du taux en usage dans les contrées les plus florissantes de la civilisation chrétienne, qui est d’environ 5 francs aujourd’hui[3].

  1. Rapport de la commission chargée par le gouverneur de la province de Victoria de lui faire un rapport sur l’état des mines. Ce rapport fait partie du document parlementaire intitulé Further papers relative to the discovery of Gold in Australia. Février 1856.
  2. D’après un curieux mémoire, qui remonte à un petit nombre d’années, de M. L’ingénieur des mines Daubrée, le lavage des sables aurifères du Rhin est une industrie qui persiste. La production d’or s’élève annuellement à 12 ou 15 kilogrammes, ou en valeur à 40 ou 50,000 francs.
  3. L’hypothèse indiquée ici, d’après laquelle, dans la Californie et l’Australie, le prix d’une journée de travail sur les mines d’or devrait finalement tomber à une somme représentant cinq francs d’aujourd’hui en consommations et autres jouissances, paraît plausible. La Californie et l’Australie sont des pays salubres, où la race européenne supporte facilement le travail, et où les moyens de subsistance doivent être bientôt, si ce n’est déjà, acquis à un prix modéré, soit parce que le sol peut en produire abondamment, soit parce qu’il est aisé d’en importer par mer. Sans doute, si le nombre des bras y restait aussi insuffisant qu’aujourd’hui, la rétribution du travail manuel y resterait très élevée; mais on sait avec quelle facilité déjà se transportent aujourd’hui les émigrans peu aisés jusqu’aux contrées les plus lointaines, et des moyens nouveaux et plus économiques de transport s’organisent entre l’Europe et l’Australie, de même qu’entre le versant oriental de l’Amérique et la Californie.