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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/614

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DES
ÉVÉNEMENS DE L’INDE



« Deux lois ennemies se contemplent en rugissant ; elles pourraient se toucher pendant l’éternité, sans pouvoir jamais s’aimer. Entre elles, point de traités, point d’accommodement, point de transaction possible….. La guerre entre nous est naturelle, la paix forcée. Dès que le chrétien et le musulman viennent à se toucher, l’un des deux doit servir ou périr. » Ainsi disait l’homme inspiré qu’on a appelé le prophète du passé, Joseph de Maistre. Il s’est trouvé qu’il avait aussi prophétisé l’avenir, car les événemens dont l’Inde est aujourd’hui le théâtre ne sont que l’accomplissement de ses paroles. Il ne faut pas s’y tromper, — et c’est ce qui doit rallier à la cause de l’Angleterre quiconque porte un cœur libre, — la guerre de l’Inde n’est encore qu’une des phases de la lutte de la barbarie et de la civilisation ; c’est encore le duel du Coran et de l’Évangile. La lutte que les Anglais soutiennent en ce moment dans l’Inde n’est qu’un des actes du drame de notre civilisation. Charles-Martel au champ de bataille de Poitiers, Godefroy de Bouillon et saint Louis aux croisades, l’Espagne à Grenade, Juan d’Autriche à Lépante, Sobieski à Vienne, Charles X à Alger, sont les acteurs et les héros de cette grande tragédie, aujourd’hui transportée dans le vieux monde asiatique. La révolte de l’Inde est tombée sur l’Angleterre comme la foudre ; elle a fait jaillir un tourbillon de poussière, de ruines et de ténèbres dans lequel il est difficile de se reconnaître. Cependant la lumière commence à se faire dans ce chaos, et, à nos yeux, il en ressort clairement que c’est l’islamisme qui tente un suprême effort pour ressaisir dans l’Asie l’empire que pour jamais il a perdu en Europe.