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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/626

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était partagée par le pays. Rien n’était plus impopulaire que les affaires des Indes, et quand dans le parlement elles étaient mises sur le tapis, la salle se vidait par enchantement. Il a fallu un coup de tonnerre pour tirer l’Angleterre de ce fatal sommeil.

Il paraît que l’insurrection devait éclater simultanément sur tous les points, et si ce projet avait réussi, les Anglais auraient probablement été écrasés séparément sous des masses irrésistibles. Ils ne s’attendaient à rien, ils dormaient ; ils étaient si peu instruits du véritable état de l’armée, qu’au commencement de la révolte, croyant n’avoir affaire qu’aux Hindous à cause des cartouches, ils comptaient se servir des musulmans pour les réduire. Ils avaient fait de Delhi une immense forteresse avec des fossés et de nouvelles murailles, ils y avaient accumulé des parcs d’artillerie, des magasins de poudre et des munitions considérables, et cette place redoutable n’avait pas même une garnison anglaise. Les révoltés la tenaient déjà dans leurs mains et n’ont eu qu’à en changer le drapeau.

Nous ne pouvons entreprendre de retracer ici le tableau des événemens militaires qui suivent leur cours dans l’Inde, car c’est un tableau qui change d’aspect tous les jours. Nous ne voulons pas non plus nous arrêter sur les épouvantables barbaries que les révoltés ont exercées sur les hommes, les femmes et les enfans ; c’est à faire frémir et à faire rougir pour l’humanité. Et à ceux qui voudraient voir dans cette guerre une guerre d’indépendance, on peut demander quelle nationalité, quelle société pourraient être fondées par de pareils monstres !

Il y a quelque chose de caractéristique à observer dans l’effet que ces hideux outrages ont produit en Angleterre. Le sentiment de la supériorité blessée, de l’orgueil de race insulté, s’y révèle en traits brûlans. Les Anglais se sentent attaqués et atteints dans la fierté de leur peau blanche. Le viol des femmes et des filles d’Albion, cette profanation violente et sanglante de la chasteté blanche, les exaspère et les rend furieux. L’outrage fait aux femmes anglaises ne les a pas seulement irrités, il les a stupéfiés. Ils n’avaient pas plus de crainte des Indiens que les créoles n’en auraient des nègres. Le plus grand et le plus puissant des journaux anglais exprimait ce sentiment lorsqu’il disait : « Nous avions cru que notre nom de citoyen anglais, plus grand que celui de citoyen romain, serait pour nous un bouclier, qu’une sorte de palladium protégerait le sang anglais contre les derniers outrages, même en de pareilles extrémités. » Un officier anglais, après avoir raconté les horreurs dont il avait été témoin, écrit : « Il ne faut pas qu’un seul Asiatique ayant déshonoré une femme anglaise reste sur la terre pour s’en vanter ! » Et une revue anglaise disait l’autre jour : « La mort doit être le châtiment de tout Indien qui a trempé ses mains dans le sang anglais et qui a outragé