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de la propriété souterraine. Ils auront reconnu que toutes ces conditions de dépôt unique et précieux, de rareté, d’utilité, de difficulté d’extraction, indiquent forcément un système réglementaire tout différent, quant au principe fondamental, de celui auquel sont assujettis les biens ordinaires; qu’il faut absolument que les richesses minérales soient avant tout aménagées pour le plus grand intérêt de la société; que le droit d’user doit être limité par les conditions essentielles dans lesquelles il s’exerce, et que le droit d’abuser, s’il n’avait pas d’ailleurs disparu de nos codes, ne serait point admissible ici. En un mot, convaincus que le droit naturel doit s’effacer devant le droit public, par suite de la liaison nécessaire qui doit exister entre le caractère légal et le caractère technique de ce bien d’une nature spéciale, ils seront amenés à cette conclusion, — qui ressort, à presque toutes les époques, de la législation de presque tous les peuples, — que les mines doivent être considérées comme des propriétés publiques.

Tel est aussi, on va le voir, le système qui a généralement prévalu à l’égard de la propriété des mines. Deux autres systèmes ont, il est vrai, trouvé et trouvent encore leurs partisans. L’un est celui dont les défenseurs inscriraient volontiers sur leur drapeau ces paroles de Heurtault-Lamerville, député du Cher à l’assemblée constituante : « Il faut que le plus petit propriétaire français, délivré des fers féodaux, soit libre dans tout l’espace perpendiculaire à sa propriété, depuis la région des airs jusqu’au centre de la terre[1]. » Pour eux, c’est attaquer le droit de propriété dans son essence que de vouloir le réduire à la simple superficie du fonds; c’est une doctrine sacrilège que de priver le propriétaire d’un revenu sur lequel il a dû compter. Les défenseurs de la propriété individuelle semblent alors oublier que, sauf dans quelques rares régions, où le fonds et le tréfonds sont réellement distingués pour les transmissions du sol, ce propriétaire ignore le plus souvent, au moment de l’acquisition, si son terrain recèle ou non une richesse qui attend encore son maître, — richesse que rien n’indique généralement à la superficie, même à l’œil du géologue le plus exercé, qui, lorsqu’elle se montre au jour, s’enfonce bientôt dans la terre, et dont l’exploitation ne doit point être commencée par la partie supérieure.

  1. Il paraitra peut-être piquant de rapprocher de cette théorie absolue la prétention récemment élevée par un auteur qui, s’annonçant franchement comme le conseil de plusieurs grandes compagnies de mines, voudrait partager le globe en deux parties : l’une comprenant seulement la croûte végétale et appartenant au propriétaire du sol, l’autre comprenant le reste de l’écorce terrestre dans ce qu’elle offre d’accessible aux travaux de l’homme et appartenant au mineur. Ce système est nommé par l’inventeur le partage horizontal de la terre.