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les objets dont la société pouvait alors garantir la conservation; je dis que, si l’intérêt commun et la justice sont les deux fondemens de la propriété, l’intérêt commun ni l’équité n’exigent pas que les mines soient des accessoires de la surface; je dis que l’intérieur de la terre n’est pas susceptible d’un partage, que les mines par leur marche irrégulière le sont encore moins; que, quant à la surface, l’intérêt de la société est que les propriétés soient divisées; que, dans l’intérieur de la terre, il faudrait au contraire les réunir, et qu’ainsi la législation qui admettrait deux sortes de propriétés comme accessoires l’une de l’autre, et dont l’une serait inutile par cela seul qu’elle aurait l’autre pour base et pour mesure, serait absurde. » Mirabeau termina son discours par un projet de décret qui, après avoir subi quelques amendemens, devint la loi du 28 juillet 1791. Il ne devait pas lui être donné de jouir de ce triomphe : il parla encore dans la séance du 27 mars; on sait qu’il mourut le 2 avril[1].

La loi du 28 juillet 1791, qui ne devait précéder que de dix-neuf ans la loi actuellement en vigueur, ne fut, à proprement parler, malgré les discussions solennelles au milieu desquelles elle avait été enfantée, qu’une sorte de transaction mal définie entre deux systèmes contraires. Elle abondait en incohérences : ainsi, après avoir mis les mines à la disposition de la nation, elle accordait une préférence aux propriétaires du sol, — qui jouissaient en outre de celles situées à 100 pieds de profondeur, faute grave, dont les conséquences désastreuses pèsent encore aujourd’hui sur les exploitations ouvertes à cette époque. Cette préférence même n’était accordée qu’à la condition que le terrain du propriétaire de la superficie, seul ou réuni avec les terrains de ses associés, fût d’une étendue propre à former une exploitation. La loi de 1791 semblait proclamer le principe d’indemnité aux propriétaires du sol dans le cas où ils ne jouissaient pas de ce prétendu droit de préférence; puis elle expliquait qu’il ne s’agissait que des non-jouissances et dégâts occasionnés dans les propriétés par les travaux de mines. Elle était finalement si peu claire, que cinq ans plus tard, dans le conseil des cinq-cents, on disait que la constituante avait reconnu que les mines étaient des propriétés privées et individuelles! Enfin la loi commettait cette autre faute de limiter à cinquante ans au maximum la durée d’une concession qui exige avant tout des vues d’avenir.

En 1801, Chaptal, alors ministre de l’intérieur, publia, sous prétexte d’interprétation, une instruction détaillée où, par des prescrip-

  1. L’assemblée constituante entendit cependant encore une fois la mâle éloquence de Mirabeau. Au moment même où il expirait, M. de Talleyrand lisait un discours qu’il lui avait remis sur l’origine naturelle du droit de tester, — combattu par lui avec passion.