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civile qui n’a plus varié, a sans cesse changé de gouvernement et varié par conséquent dans sa constitution gouvernementale. Ainsi stabilité dans la révolution sociale, instabilité dans la révolution politique.

De là il ne résulte et ne peut résulter naturellement que les questions suivantes : le fait stable, la révolution sociale, est-il définitif ? Ceux-là le contestent qui veulent le modifier rétroactivement, ou bien qui, le regardant comme un premier pas, aspirent à une nouvelle révolution sociale. Le fait instable, la révolution politique, peut-il être fixé par une constitution définitive, et quelle est cette constitution ? Sur tous ces points, on a pensé pendant plus de trente ans (et M. Duvergier de Hauranne le pense encore) que l’idée de modifier par un retour en arrière la révolution sociale n’était que le rêve impuissant de quelques mélancoliques, que l’idée de faire une nouvelle révolution sociale était la chimérique inspiration de l’esprit indéfiniment révolutionnaire, et qu’enfin ce qu’il pouvait y avoir de désintéressé et de plausible dans les motifs de ces deux sortes de témérités ne pouvait trouver satisfaction solide que dans la seconde question. On conçoit en effet qu’il peut exister telle manière de constituer le gouvernement français qui donne sécurité aux craintes des uns ou contentement aux désirs des autres dans ce que ces craintes ou ces désirs, auraient de fondé ou d’acceptable. En conséquence, la seule question qui subsiste, c’est celle du gouvernement. Or celle-là, pendant trente ans, on a pensé (et M. Duvergier de Hauranne le pense encore) qu’elle était résolue par le gouvernement représentatif.

Ce système politique, si l’on veut bien y regarder, est l’application des idées que nous avons reconnues pour la tradition de la raison depuis l’antiquité jusqu’à nous, savoir : « les bons gouvernemens ne sont pas les gouvernemens simples. — Aucun pouvoir ne doit être absolu. — Des formes principales de gouvernement, aucune, si elle est réalisée dans sa pureté abstraite, sans restriction, sans limitation, sans mélange, n’est bonne et durable. — La meilleure forme de gouvernement est celle qui emprunte quelque chose à toutes les autres, et qui est en quelque sorte un composé de toutes les autres. »

Au moment où la révolution française éclata, cette complexe théorie était réalisée de deux manières, de ce côté de l’Atlantique par le gouvernement anglais, de l’autre par le gouvernement des États-Unis. Là, le mélange est en proportion beaucoup plus égale, et une plus grande part est faite à la monarchie et à l’aristocratie ; ici, la part de la démocratie l’emporte de beaucoup sur les deux autres. Cependant en Angleterre et même en Amérique le gouvernement est