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le plus grand obstacle à l’indépendance commune, n’est pas moins opposé à la centralisation qu’à la nationalité, et le socialisme est la centralisation à sa plus haute puissance. S’il pouvait triompher jamais, c’est bien alors que Gènes, Venise ou Florence, ce huerait tout un, et que les souvenirs historiques, les traditions locales et les monumens du passé, tout disparaîtrait sous le coup d’un vaste nivellement.

On conseille avec raison, comme une intéressante promenade, de faire le tour des remparts de Gènes : la beauté et la variété des points de vue compenseront la longueur un peu fatigante de la course; mais on peut se contenter de l’ascension à la colline de Carignan. On y arrive en voiture, comme partout à Gênes maintenant; fiacres et omnibus y rendent peu utiles les chaises à porteurs, jadis unique moyen de locomotion. Sainte-Marie de Carignan est une église moderne, qui attend encore sa décoration intérieure malgré deux statues du Puget, un saint Sébastien et un saint Jean d’un style un peu tourmenté, et qui eussent étonné un sculpteur grec. Le goût moderne aime ce qui sent l’effort. Quant à la disposition générale de l’édifice, elle fait honneur à l’architecte Alessio. Cette construction, due à la munificence de la famille Sauli, couronne une hauteur qui domine un beau panorama, et à laquelle on arrive par des rampes et par un pont jeté au-dessus des plus hautes maisons des rues. On se trouve là à portée du beau jardin public del’ Acqua-Sola, qui occupe tout un plateau maintenu par des terrasses, et qui, parcouru tous les soirs par des promeneurs en voiture, à cheval, à pied, offre un agréable rendez-vous à toutes les classes de la société génoise. La vue, moins étendue que celle de l’église, est encore belle et variée. La plupart des femmes portent sur leurs cheveux un voile blanc d’un tissu léger, et tout leur ajustement a de la grâce. Pendant qu’un grand nombre prenait des glaces, la musique m’attira vers un théâtre diurne, bâti en belle pierre blanche, et qui me parut bien disposé. L’assemblée était assez nombreuse. Le spectacle m’inspirait quelque répugnance; cependant la curiosité me retint. On jouait un drame dont voici le titre : « La mort (la Decapitazione) de Louis XVI, ou les Républicains de 1789 (sic). » On conçoit que le sujet et la fidélité historique du titre m’attiraient peu; mais enfin

Peut-on de nos malheurs leur dérober l’histoire?


J’avais envie de savoir comment, dans une ville taxée souvent d’esprit révolutionnaire, l’auteur avait conçu et le public accueillait un sujet semblable. Bien donc qu’on ne puisse, sans un effort assez