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politique. Sous la république, rien ne m’a plus fait redouter l’avenir que de voir comment, par l’effet de la révolution de 1848, par ressentiment ou par émulation, non pas seulement des révolutionnaires, c’est leur métier, mais des réactionnaires, cédant à l’exemple, avaient perdu le respect et le sens de toute légalité. Parce que le droit écrit avait été un jour indignement violé, ils croyaient juste, par représaille, de le violer en sens inverse, et ne comprenaient pas que la loi seule pouvait fermer les plaies que la loi avait reçues.

En résumé, organiser la liberté en système de gouvernement, et le système établi, pratiquer la liberté et le gouvernement par la loi, voilà le fond de la politique dont M. Duvergier de Hauranne vient d’écrire la défense dans une histoire qui apprendra aux enfans ce qu’ont voulu leurs pères.

Tandis que cette histoire, étudiée dans les sources et éclairée par une analyse intelligente de tout ce que publiait la presse contemporaine des événemens, contiendra pour bien des lecteurs une foule de choses peu connues, on dira peut-être que rien n’est moins ignoré que la théorie constitutionnelle qui respire dans tout l’ouvrage, et l’on se plaindra du défaut de nouveauté. Ce reproche s’adressera surtout à nous, qui, forcé de nous en tenir à des généralités, n’avons fait que reproduire les idées courantes d’une autre époque. Que ne sont-elles encore un lieu-commun, une de ces choses qui vont sans dire ! Mais on ajoutera qu’en rappelant des principes connus, nous n’avons fait que le plus facile de la tâche, n’ayant garde de parler des événemens. Or les faits sont le contrôle des idées, et ce serait se donner trop beau jeu que de faire valoir spéculativement les beautés d’une forme de gouvernement, en omettant de dire qu’elle a été expérimentée et qu’elle a échoué. Ce côté de la question, nous ne saurions, pour divers motifs, le traiter avec une entière liberté, et d’ailleurs il ne nous semble pas que nous l’ayons dissimulé. Notre objet, comme aussi celui de M. Duvergier de Hauranne, est en effet moins d’exalter le gouvernement représentatif que de rappeler à quelles conditions il peut exister, à quelles conditions il est conséquent avec lui-même et capable de tenir toutes ses promesses. Malheureusement le possible n’est pas le réel, et dire à quelles conditions un gouvernement peut exister, ce n’est pas dire qu’il existe nécessairement, ni qu’il soit facile à réaliser : c’est au contraire signaler quelques-unes des causes qui peuvent le perdre, et je crois en avoir indiqué au moins une dans ces pages. Il est trop vrai, le triste pronostic de Tacite peut être justifié, la constitution selon ses vœux peut n’être pas durable, haud diuturna esse potest. Le naufrage du gouvernement parlementaire est allé grossir la liste lamentable des naufrages de la révolution française ; mais c’est là