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M. de Cavour fit adopter par le parlement la réforme du système douanier? Lors de la réunion du congrès italien qui eut lieu à Gênes, une commission de dix membres fut chargée de rédiger la description de la Ligurie, cette partie la plus prospère des états de terre ferme : elle publia trois volumes qui embrassaient dans tous leurs détails ce qui concerne l’agriculture, le commerce et l’industrie. De ces trois formes par lesquelles se manifeste l’activité d’un peuple, le commerce seul pouvait être considéré comme florissant. La culture, morcelée à l’infini, nécessitait presque exclusivement le mode du travail à la main : la charrue ne s’employait que dans les plaines de Novi, de Savone, Spezzia, Albenga. Dans toute la Ligurie, la rotation biennale était en usage. Aussi les meilleures terres, dans les années les plus favorables, produisaient-elles tout au plus 12 pour 1 de la semence, de 3 à 5 dans les plaines de Novi, de 2 à 3 sur les collines. L’état de ces forêts liguriennes, autrefois si riches et d’où étaient sortis les navires qui portèrent si loin le nom et la gloire de Gênes, inspirait aux auteurs de cet important document les plaintes les plus patriotiques. Quant à l’industrie des fabriques et des manufactures, ils se bornaient à en constater la décadence, consommée par les mesures prises lors de l’établissement du blocus continental. Les fabriques de coton de Rolla, de drap d’Alberti, de fer de Pezzi et Ballaydier, obtenaient seules une mention spéciale; c’est à peine si la vapeur était employée comme moteur dans quelques usines. Les filigranes d’or et d’argent, les confiseries, quelques spécialités de meubles, mais surtout la fabrication du velours et du satin de soie, voilà les seules industries vivaces qui méritaient d’être signalées. « Et pourtant, disaient les savans rédacteurs de la description, nous avons le capital nécessaire pour alimenter le travail, le salaire de l’ouvrier est à bas prix (1 fr. 20 cent, pour les hommes, 0,50 pour les femmes, 0,35 pour les enfans), grâce à la sobriété des populations et à l’abondance des denrées alimentaires. Seule, la science des procédés nous manque. » Et ils appelaient alors au secours de cette industrie indigène défaillante le stimulant énergique de la concurrence étrangère.

La réforme douanière a répondu à ces vœux, et quel que soit l’avenir qui en découle, on ne saurait, après avoir vu ce tableau de la plus riche partie du Piémont tracé par des mains piémontaises, accuser le nouveau régime d’avoir tué l’industrie indigène. Mais a-t-il facilité son essor? C’est là une autre question à laquelle les chiffres extraits des Annales du commerce extérieur ne permettent pas encore de répondre affirmativement. Toutefois il y a un double motif d’espérer que l’état actuel est seulement transitoire, et que l’avenir vaudra mieux que le présent et surtout que le passé.