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bienfaisant, les réformes ecclésiastiques aient trouvé l’appui de l’opinion publique. Toutefois ces réformes ne se sont point opérées avec l’assentiment de la cour de Rome : dès-lors elles ont paru faites en haine de la papauté, et les vrais intérêts de l’Italie en ont souffert. Pour les esprits éclairés de l’école de l’illustre Rossi, pour ceux qui professent cette doctrine, qu’affaiblir la papauté ce serait décapiter l’Italie, la scission opérée et maintenue entre le Piémont et le saint-siège, quel que soit celui des deux gouvernemens auquel il faille l’imputer, est presque un malheur public, destiné à retarder l’affranchissement de l’Italie par l’appui que cette scission a prêté aux idées révolutionnaires.

Vis-à-vis de l’Autriche au contraire, — sans même remonter aux deux campagnes de Charles-Albert, dont les conséquences furent si lourdes à supporter et qui se résument en une somme de 226 millions de dépenses spéciales, — sans parler non plus de la participation à la guerre d’Orient faite dans un intérêt politique et qui a coûté 74 millions, — en s’arrêtant à certaines mesures qui, comme la construction des fortifications d’Alexandrie, peuvent passer pour des moyens de défense ou d’attaque, et dont la dépense grèvera le budget de nouvelles obligations, en remarquant en outre que le maintien d’une armée trop considérable pour les seuls besoins de la sûreté intérieure exige pour les allocations du ministère de la guerre près du quart du budget, — ne peut-on pas supposer que dans les préoccupations ministérielles l’intérêt italien joue le premier rôle, et que l’intérêt piémontais est un peu relégué au second plan? Peu importerait sans aucun doute, si le Piémont était assez riche pour payer cette gloire; mais est-il permis de le supposer après les chiffres qu’on vient de donner? Avec une dette si démesurément accrue par les nécessités de la guerre et les indispensables travaux de la paix, après tous les accroissemens de l’impôt prélevés sous tant de formes, et que n’égalent pas pour le bénéfice des contribuables les dégrèvemens apportés à la consommation par la réforme douanière, avec une industrie jusqu’à présent languissante, le royaume de Sardaigne ne doit plus, ce semble, avoir d’autre soin que celui de développer pacifiquement, à l’ombre de la protection que lui assurent son voisinage de la France et ses alliances, l’œuvre intérieure de l’expansion de ses richesses et de la consolidation de ses institutions libérales. Par combien d’années d’économie, de scrupuleuse attention à conserver l’équilibre des finances qu’il avait faites si prospères, Charles-Albert ne s’est-il pas préparé à jouer le rôle que les traditions de sa maison et la généreuse ambition de son peuple n’ont cessé de tracer au souverain de la Sardaigne par rapport à l’Italie! Pour être en mesure de reprendre utilement une pareille