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truction qui se donne pour rien, et d’un autre côté la petite dépense qu’ils sont obligés de faire les excite à travailler pour ne pas perdre leur argent. À ce sujet, on m’a conté que le gouvernement, voulant naturaliser dans le pays une certaine race de moutons, avait distribué gratis un grand nombre de béliers à des fermiers qui s’empressèrent d’en faire des côtelettes. Plus tard, instruit par l’expérience, au lieu de donner ses bêtes, le gouvernement les vendit, et alors ce fut à qui voudrait en avoir.

Remarquons d’ailleurs qu’à Kensington, dès qu’un élève montre des dispositions, on le dispense de payer la modique rétribution mensuelle exigée à son entrée dans l’école. Bien plus, à mesure qu’il fait des progrès, il obtient de petites récompenses pécuniaires, et enfin, lorsqu’il est en état de devenir répétiteur, il reçoit un traitement fixe qui lui permet d’achever ses études sans être à charge à sa famille. Ce point est des plus importans, car il est très ordinaire que des ouvriers pauvres retirent leurs enfans de l’école dès qu’ils sont assez âgés ou assez forts pour gagner leur journée et entrer dans une manufacture, c’est-à-dire au moment où ils profitaient le mieux de leurs études.

Les administrateurs de l’école normale s’occupent de leurs élèves même après leur sortie de l’établissement. Ils leur délivrent des brevets de capacité, leur procurent des places de professeurs dans des écoles, les recommandent à des manufacturiers, et, par exception, les aident dans leur carrière d’artiste, s’ils les y croient appelés par une véritable vocation. Dans un pays comme l’Angleterre, où les recommandations ne se prodiguent pas, et où elles ouvrent toutes les carrières, le témoignage des administrateurs de Kensington assure l’avenir de celui qui en est l’objet.

Ce n’est pas seulement en procurant des professeurs aux autres écoles que l’institution de Kensington justifie son titre d’école normale. Elle dispose d’un matériel comme d’un personnel. Elle possède un grand dépôt de tous les objets qui servent à dessiner, qu’elle achète au meilleur marché possible, attendu qu’elle offre aux fournisseurs l’avantage d’un débit considérable et certain, et ce qu’elle a acheté en gros, elle le revend en détail, sans bénéfice, aux écoles secondaires. J’ai vu les tables à dessiner, les passe-partout, les étuis de mathématiques, etc.; tous ces objets sont d’une excellente qualité, fabriqués sur un patron uniforme, après que l’expérience a constaté les avantages de telle ou telle disposition. Toute école de dessin qui s’établit n’a rien de mieux à faire que de s’adresser à Kensington pour acquérir son mobilier. Là, point de tâtonnemens, d’erreurs ni de faux frais. On est sûr d’avoir à bon marché tout ce qui est véritablement utile.