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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/888

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À ces divins chanteurs! La plainte des courlis,
La plainte de la vague aux éternels roulis,
Voilà tous nos concerts... Mais l’hiver, la tempête
A des mugissemens qui font lever la tête...
J’aime mieux mon pays que leurs prés verts et gras.
Si nos moulins sans air pouvaient mouvoir leurs bras,
Serais-je en terre ferme? Il fallait bien, filleule,
Venir où l’onde coule et fait tourner la meule.
Dans notre île aujourd’hui, nulle ombre où s’abriter.
La langue des brebis n’a plus rien à brouter.
Le sol brûle les pieds. Sur l’herbe sèche et lisse
De nos dunes à pic, à chaque pas on glisse.
On m’a dit cependant que des chênes sacrés
Ombragèrent ces rocs du soleil dévorés.
Dévorés par les vents durant la saison noire,
Et des nids gazouillaient sur les branches... Que croire
De soi-même ennemi, par le fer et le feu
L’homme aura follement détruit l’œuvre de Dieu...
Çà, j’ai toujours des pleurs au fond de ma poitrine.
En barque, matelots! Chargeons notre farine!
Aux rames cette nuit! A la pointe du jour,
La tourbe fumera joyeuse dans le four. »

V.


Pourtant de main en main d’abord passa la gourde :
La rame la plus longue ainsi pèse moins lourde;
Puis, dans le crépuscule et ses légers brouillards.
S’éloigna le canot où ramaient les vieillards,
Et Brita les guidait, emportant, noble femme.
Le froment pour le corps et le froment pour l’âme.

III.


LA LÉGENDE DES IMMORTELS.


A M. YVES M...O.


I. w/center>

Lorsque le ciel est clair sous les taillis ombreux,
Que la nature heureuse a dit : Soyez heureux !
Qu’ils dressent dans Paris leurs intrigues, leurs pièges,
Eux-mêmes s’irritant aux bruits de leurs manèges,
Moi, près d’un sanctuaire où jeune j’ai rêvé
Bien loin, vers l’Océan, je me suis ensauvé...