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abondant en phosphate (des os) et substance organique azotée (sang des clarifications), ajouté aux autres agens de la végétation à la dose de 5 ou 6 hectolitres par hectare, pouvait doubler les récoltes sur certains sols, en particulier dans les départemens de la Loire-Inférieure, de la Vendée, de la Sarthe, de la Mayenne et de la Seine-Inférieure, augmentant par degrés dans la même proportion la puissance du sol et la valeur du fonds.

On reconnut plus tard la propriété fécondante, plus étonnante encore, du noir animal appliqué au défrichement des bruyères sur divers points de la France[1]. De si grands exemples ne pouvaient manquer de lever tous les doutes, de fixer l’attention des agronomes, et d’étendre la faveur méritée du puissant auxiliaire de la fertilisation des sols cultivables. On vit bientôt en effet le cours commercial de ce résidu, naguère négligé, s’élever au même prix que le noir animal neuf, puis dépasser ce niveau. Alors, les raffineries de France ne suffisant plus aux besoins de nos agriculteurs, des importations considérables de semblables résidus tirés de Russie et d’Allemagne purent à peine combler le déficit. La consommation annuelle du noir résidu en France est évaluée aujourd’hui à 17 millions de kilogrammes. La consommation n’en est pas moindre chez les agriculteurs anglais, qui, suivant en cela notre exemple, utilisent les résidus de leurs raffineries et s’approvisionnent de quantités considérables du même engrais par la voie des importations étrangères.

Nos sucreries indigènes, qui emploient toutes le charbon animal à hautes doses, en appliquent directement les résidus à leurs cultures : elles les répandent avec d’autres engrais sur les champs qui les environnent, et parviennent ainsi à élever graduellement la puissance et la fécondité du sol. On comprend toutefois que l’on ait a priori pu méconnaître les propriétés fécondantes du charbon animal : c’est qu’en effet, si l’on considérait seulement les caractères extérieurs et surtout la faible odeur du noir pulvérulent, on ne reconnaîtrait guère les définitions données par Virgile des masses de fumier épais répandues ou enfouies afin de fertiliser les sols cultivés et les terrains en friche :

Quod superest, quaecumque premes virgulta per agros,
Sparge fimo pingui et multa memor occule terra.
…Arida tantura
Ne saturare fimo pingui pudeat sola, neve
Effetos cinerem immundum jactare per agros.

  1. Chez plusieurs grands propriétaires, 4 hectolitres 1/2 de noir animal étendus sur chaque hectare de bruyère labourée ont favorisé la végétation des céréales à un tel point que le produit de la récolte a pu suffire pour compenser tous les frais de défrichement. Une semblable addition chaque année a depuis, avec le concours de quelques engrais usuels, soutenu cette luxuriante végétation dans plusieurs localités du Loiret, d’Indre-et-Loire, de Loir-et-Cher.