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La première opération effectuée dans cette chaudière a pour but d’éliminer la plus grande partie des substances étrangères par la chaux éteinte (hydrate de chaux), qui les rend insolubles en se combinant avec eues, et les sépare du liquide sucré, devenu dès lors plus limpide. Jusqu’à ces dernières années, on obtenait ce résultat en employant des doses de chaux variables entre 2 1/2 et 6 kilogr. pour 1,000 litres de jus. Dans un assez grand nombre de fabriques, où s’est introduit le procédé de MM. Rousseau, qui se propage de plus en plus, on porte la dose de chaux à 15 et 20 pour 1,000 ; alors on élimine non-seulement les substances étrangères douées d’une affinité plus grande pour la chaux que le sucre, mais encore celles douées d’une affinité moindre, et que la chaux ne pouvait atteindre qu’après avoir entièrement saturé le sucre même. Dès lors l’épuration de la solution filtrée est plus complète ; le sucre, à la vérité, reste dans le liquide à l’état de sacrale de chaux, et il faut le mettre en liberté au moyen d’un courant d’acide carbonique gazeux[1]. Cet acide s’unit à la chaux et en forme un composé insoluble [carbonate de chaux) qui se sépare de la solution bouillante à l’aide d’une simple et facile filtration, laissant dans le liquide diaphane le sucre plus pur.

Le procédé Rousseau, tout en réalisant l’épuration plus complète des jus, produisit un second effet d’une haute portée, car, ayant éliminé par l’acide carbonique les composés calcaires, il évitait les incrustations qui, dans les chaudières évaporatoires, s’opposent à la transmission de la chaleur, et occasionnent de grandes détériorations, souvent même des accidens fâcheux. Ces incrustations, nuisibles dans tous les appareils de concentration des sucreries, auraient rendu impraticable l’emploi d’un nouvel appareil qui économise de 33 à 40 pour 100 du combustible. À dater seulement du jour où ce procédé d’épuration fut adopté, on put songer à introduire dans les sucreries indigènes l’appareil évaporatoire à chaudières tabulaires et à triple effet, construit en Amérique, par un Français, M. Rillieux, sur les principes appliqués aux eaux salines par M. Sochet, et analogue aux systèmes à effets multiples de Derosne, mais pourvu de

  1. On obtient aisément le gaz acide carbonique en brûlant du charbon de bois dans un four clos ou de la houille sèche dans un four à chaux. L’air atmosphérique utile à la combustion est insufflé par une pompe à air ; le gaz produit est poussé dans un réfrigérant, puis distribué à l’aide d’un robinet et par un tube percé de trous dans une des chaudières contenant le jus clarifié à la chaux.