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rapides, et d’un succès assuré, grâce à l’invention très remarquable d’un ustensile applicable aussi bien à l’extraction du sucre de betterave et du sucre de canne qu’au raffinage des deux sucres. L’histoire de l’industrie saccharine ne présente peut-être aucun exemple de propagation aussi prompte d’un appareil dans les sucreries indigènes et coloniales et dans les raffineries. Cependant le but qu’il s’agissait d’atteindre était depuis longtemps indiqué par l’application à d’autres industries d’un ustensile semblable. Plusieurs industriels avaient même songé aux avantages qu’en pourraient retirer l’extraction et le raffinage du sucre ; mais personne avant M. Seyrig n’était parvenu à vaincre quelques difficultés dans l’application au sucre de l’ustensile rotatif, dit à force centrifuge, qui fonctionne si facilement dans les blanchisseries pour l’égouttage des tissus. C’est que, pour cette dernière opération, le vase restait clos après l’introduction des tissus mouilles, et tout était terminé aussitôt que le liquide cessait de sortir du cylindre ou tambour tournant. Le problème à résoudre relativement au sucre n’était pas le même. Après un premier égouttage, il fallait ajouter à deux ou trois reprises un sirop qui commençât l’épuration en passant au travers des cristaux. Or, si le cylindre demeurait ouvert, le sucre était projeté au dehors ; s’il était clos, il fallait arrêter le mouvement de rotation, ouvrir, puis refermer le vase, en sorte que la perte de force vive et de temps enlevait tout le bénéfice de cet égouttage forcé. Un ingénieux calcul, qui repose sur les effets de la force centrifuge, a donné l’idée d’un procédé qui permet de laisser le vase cylindrique ouvert, en y disposant, par quelques aménagemens très simples, une zone où le sucre qu’on veut égoutter peut être facilement contenu. Il est ainsi devenu possible de faire cristalliser les sirop cuits dans des vases de toute forme, et le sucre, si facilement épuré en cristaux, ne laisse presque plus de déchet au raffinage, qui peut livrer directement, avec une grande économie de temps et de frais, ses produits à la consommation générale.

C’est à l’aide de ces divers moyens de production économique et rapide que les fabriques de sucre indigène, après des fluctuations inévitables en raison des entraves qu’ont apportées les événemens et de désastres agricoles imprévus[1], sont parvenues, en 1856,

  1. La production du sucre indigène depuis 1828 jusqu’à 1836 s’est graduellement élevée de 2,663,000 kilogrammes à 49 millions ; elle a oscillé entre 31 et 53 millions depuis 1837 jusqu’à 1847. La fabrication s’est ensuite maintenue, peu variable, entre 62 et 77 millions de kilogrammes jusqu’en 1854, sauf dans la campagne de 1848-49, où l’humidité excessive du sous-sol altéra les racines dans plusieurs cantons du nord de la France, au point de réduire de 450 millions de kilogrammes la récolte totale des betteraves et de plus de 25 millions la production du sucre. Durant la campagne de 1854 à 1855, une perturbation semblable, mais occasionnée par la transformation d’une partie des sucreries en distilleries, réduisit à 44,744,000 kilogrammes le produit de la fabrication du sucre indigène.