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tarie depuis plusieurs années, se rencontrait en France, en Allemagne, en Angleterre : c’était la distillation des grains. Les prohibitions qui entravaient le commerce des céréales dans diverses contrées sont aujourd’hui levées en partie, et si la moisson de 1858 égale celle de 1857, on peut admettre que les choses se retrouveront alors dans leur état normal.

Quoi qu’il advienne cependant, les déficits énormes éprouvés depuis 1854 dans les quantités de matières premières qui approvisionnaient antérieurement les distilleries ont jeté une très grande perturbation dans cette industrie et provoqué la recherche et l’emploi de substances alcoogènes négligées jusque-là. Nous citerons entre autres divers fruits sucrés, notamment les figues et les prunes, d’autres produits susceptibles d’éprouver la fermentation alcoolique, tels que les eaux de lavage des racines de garance traitées par l’acide sulfurique, ou les bulbes d’asphodèle arrachées dans des terres incultes de l’Algérie et de nos contrées méridionales. Les produits ainsi obtenus représentaient à peine toutefois un ou deux centièmes des 500,000 hectolitres d’alcool livrés naguère au commerce par les distillateurs de vin, de grains et de pommes de terre ; aussi les cours s’élevaient-ils au point de quadrupler le prix moyen de l’alcool.

Ce fut dans ces conditions que la distillation des betteraves, jusqu’alors bien peu profitable, offrit des bénéfices énormes, — au-delà de 100 pour 100[1]. Surexcités par une aussi brillante perspective, un assez grand nombre de manufacturiers se décidèrent aisément à transformer en distilleries leurs fabriques de sucre, dont ils utilisaient ainsi presque tout le matériel : laveurs, râpes, presses, réservoirs, et même en partie les chaudières. Ces dispositions nouvelles avaient l’avantage de faire rendre à la betterave des quantités d’alcool plus en rapport avec les besoins de la consommation

  1. Le prix de revient de l’alcool à 90 ou 94 degrés pouvait être évalué à 100 ou 110 francs l’hectolitre, qui se vendait alors de 230 à 440 fr. Une des plus grandes distilleries de ce genre, fondée dans trois usines, a pu réaliser des bénéfices s’élevant à 10,000 francs par jour.