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approfondie prépara cette intervention et la justifia. Tous les abus qu’une routine dix fois séculaire avait introduits, et que l’habitude protégeait, furent hardiment démasqués ; en même temps les bons services de l’œuvre furent constatés avec une autorité désormais inattaquable. Préparée par de nombreux et lumineux rapports de M. Ducpétiaux, inspecteur général des établissemens de bienfaisance en Belgique, la loi du 18 juin 1850 ouvrit une ère nouvelle aux institutions consacrées par la science et la charité au soulagement des aliénés. La Belgique s’associa ainsi résolument à la généreuse et intelligente réforme dont Pinel avait donné le signal à Bicêtre vers la fin du XVIIIe siècle, et qui avait depuis lors, comme une libérale contagion, gagné l’Europe entière. La loi prescrivait pour Gheel, placé dans des conditions particulières, un règlement spécial, qui fut promulgué le 1er mai 1851. En le lisant, on reconnaît que l’inspiration charitable, enracinée depuis un millier d’années dans les mœurs et dans les cœurs, a été vivifiée par l’esprit des temps nouveaux, plus éclairé sur quelques points. Un règlement intérieur du 20 septembre 1852, couronnant la régénération de Gheel, pénétra jusqu’au vif dans tous les détails matériels, et assura, autant que des règlemens écrits peuvent le faire, le bien-être des aliénés.

Les principales garanties introduites par la législation nouvelle sont : la substitution de l’état à la commune dans l’administration d’une œuvre qui intéresse la Belgique tout entière, et l’organisation d’un service médical, composé de trois médecins spéciaux et d’un inspecteur. Cette dernière fonction a été confiée à M. le docteur Parigot, qui la remplissait déjà depuis plusieurs années pour le compte particulier de l’hospice de Bruxelles, dont les aliénés continuaient à être envoyés à Gheel depuis l’administration de M. de Pontécoulant. Investi de ce titre officiel, M. Parigot a pu se constituer, dans le monde médical et administratif, avec une nouvelle et plus haute autorité, le promoteur le plus ferme des réformes qui restent à accomplir ; en même temps, il est devenu dans ses écrits, comme par ses paroles et par ses actes, le défenseur le plus dévoué de Gheel, parce qu’il est le témoin le plus compétent et le plus convaincu des bienfaits rendus par cette colonie à l’humanité souffrante[1]. C’est à lui que nous devons la satisfaction d’avoir connu Gheel, et de pouvoir en parler avec plus de développement et de confiance que la brièveté de notre séjour ne nous l’aurait permis.

Nous voici ramené par la main de la légende et de l’histoire au

  1. Depuis quelque temps, M. Parigot, cédant à certaines contrariétés administratives, a volontairement renoncé au séjour de Gheel, au grand regret de tous les amis de la science ainsi que des malades. Il a été remplacé par le docteur Bulklens.