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des articles de cet acte diplomatique, dont le préambule le mentionne cependant comme partie contractante en qualité de second roi de Siam. Est-ce par goût qu’il se tient à l’écart ou par calcul ? Craint-il de porter ombrage au premier roi ? Quoi qu’il en soit, la cause européenne possède en lui, à Siam, un partisan fervent et éclairé.

Les deux rois faisaient, à l’égard des Anglais, assaut de politesses ; les princes et les ministres, se conformant sans doute ans ordres qu’ils avaient reçus, multipliaient les fêtés et les repris en l’honneur de l’ambassade. Le premier roi donna dans la salle de spectacle de son palais deux représentations extraordinaires, où furent jouées plusieurs comédies dont les sujets étaient empruntés à l’histoire de Siam ou aux légendes de la Chine. Les rôles étaient tous remplis par de jeunes filles. On sait que dans le Céleste-Empire il est interdit aux femmes de paraître sur la scène, et que les rôles des comédies chinoises sont exclusivement confiés à des hommes. Faut-il croire, d’après le feuilleton consacré par sir John Bowring au théâtre du roi, que la règle contraire est observée à Siam ? Cette opinion serait trop absolue, car, d’un autre côté, en signalant le goût extrême des Siamois pour la comédie et en retraçant la physionomie générale des représentations, Mgr Pallegoix parle d’acteurs aussi bien que d’actrices. Bornons-nous donc à dire que les comédies auxquelles assista l’ambassade étaient jouées par des femmes du harem, revêtues de costumes splendides et déployant dans leur jeu un certain talent mimique. Les pièces se chantent en récitatifs accompagnés par un orchestre ; les principaux rôles sont muets et consistent simplement en pantomimes. La troupe royale se compose d’une centaine d’actrices, qui paraissent, ensemble ou successivement, sur la scène, et obéissent aux ordres de vieilles duègnes, maîtresses de chœurs ou de ballets. N’oublions pas les souffleuses, qui viennent en aide aux mémoires hésitantes, rappellent à l’ordre les actrices étourdies, et signalent les désordres de toilette qui peuvent se produire pendant le feu de l’action. Après cette rapide excursion dans les coulisses, regagnons les places destinées aux spectateurs : on est en plein air, des lampes, des bougies et de grosses mèches alimentées par des bassins d’huile de coco répandent une vive clarté ; les courtisais et les privilégiés admis à la fête se tiennent respectueusement dans l’enceinte sous l’œil du roi, qui, assis à une fenêtre de ses appartenons en face du théâtre, domine le tableau. La pièce commence ; l’intrigue se noue et se poursuit, à travers de nombreuses péripéties, entre un roi, une reine et deux concubines. Une scène représente le roi menant la reine au bain, où elle rencontre les concubines : jalousie, dispute, réconciliation. Dans une autre scène, la reine et les concubines se font apporter des miroirs, et elles luttent à qui saura s’habiller avec le