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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/372

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d’aucun pays, on n’avait vu la richesse publique se développer aussi rapidement. Vainement les manufactures se multipliaient et se fortifiaient chaque année ; elles n’en restaient pas moins impuissantes à suffire aux commandes qui affluaient de toutes parts, du dedans et du dehors. Malgré le secours du pavillon étranger, malgré l’activité du travail sur tous les chantiers de construction et l’achat des navires partout où il y en avait à vendre, la marine faisait défaut aux besoins du commerce, et le prix du fret s’était élevé au double et souvent même jusqu’au triple de l’ancien taux. L’agriculture elle-même, qui un moment avait paru hors d’état de se relever du rude coup que la libre introduction des grains étrangers lui avait porté, s’était résolument mise à l’œuvre et luttait contre la difficile position qu’on lui avait faite. Abandonnant ses pratiques de routine invétérée, elle demandait à la science de l’éclairer de ses enseignemens, à la mécanique de lui fournir des instrumens meilleurs, et, grâce à des efforts soutenus et intelligens, elle se préparait à reprendre dans un avenir prochain le premier rang parmi les intérêts du pays. Déjà, à chaque renouvellement de bail, le loyer de la terre se relevait sensiblement de la dépréciation qui avait suivi la loi de 1847.

Tels étaient en 1853 les résultats incontestables des conceptions de sir Robert Peel et de ses hardies innovations : la reconnaissance publique lui en tient compte, et sa mémoire grandit tous les jours dans l’estime de ses concitoyens. Sur presque tous les points, le succès avait justifié ses vues : en même temps que les vides du trésor s’étaient comblés, la prospérité commerciale de l’Angleterre réalisait les prévisions de l’habile ministre, et, dans l’opinion de tous, celle même de ses anciens adversaires, le temps ne pouvait que se charger de les confirmer. Cependant, si les industriels, les commerçans, les armateurs, les fermiers, tous ceux enfin qui ont un capital à mettre au service de leur travail profitaient largement de l’activité imprimée aux affaires, il y avait à côté d’eux une classe nombreuse qui était loin d’être aussi satisfaite des résultats du nouveau système : c’était celle des ouvriers. On leur avait promis que les réformes projetées s’accompliraient à leur profit, et que le premier effet qui en sortirait pour eux serait de leur donner à tous la vie à bon marché : dans la lutte entreprise contre les vieilles lois du pays, les promoteurs et les partisans des mesures nouvelles avaient sollicité le concours du peuple en proclamant bien haut qu’ils travaillaient à diminuer ses misères, et il n’est pas douteux que pour beaucoup d’entre eux ce but était celui qu’ils avaient le plus à cœur d’atteindre ; mais l’événement sur ce point avait trahi leur attente, et là peut-être est le côté vulnérable du système. En effet, si les exigences provoquées par ce mécompte chez les ouvriers avaient eu