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toute arrière-pensée de renversement, ont pris loyalement la restauration comme le point de départ d’une politique nouvelle, comme une ère possible de paix et de liberté, n’ont été ni jugés ni dépeints. On s’est fort occupé de ceux pour qui la restauration a été une vengeance, ou de ceux qui voulaient se venger d’elle. Les hommes qui, sans ignorer aucune des passions contradictoires auxquelles elle rouvrait l’arène, se sont efforcés de s’en préserver, de les neutraliser ou de les vaincre, songeant tout simplement à tirer du fait tout le parti possible pour le bonheur et la grandeur de la nation, ont été négligés par les esprits extrêmes, qui n’ont cherché que dans un intérêt de parti à décrire cette instructive époque. L’idée si simple et si patriotique de faire pour le mieux en profitant des circonstances et des élémens dont on peut disposer, de ne point regarder les révolutions comme d’éternelles parties perdues qui exigent d’éternelles revanches, de ne point faire enfin de la négation de ce qui existe la base d’une politique pratique, a été dédaignée comme une de ces vues bornées, comme une de ces inspirations prosaïques d’une prudence timide ou intéressée. Les spéculations de la philosophie sociale, surtout quand tout le monde s’en mêle, ont cet inconvénient de dégoûter les esprits des choses réelles, de les empêcher de se contenter de rien tant que le rêve de l’absolu ne s’est pas réalisé, et de jeter le discrédit sur toutes les chances d’amélioration et de progrès que la fortune offre aux nations. Tout ce qui n’est pas encore l’idéal est misère. Si le principe de l’autorité n’est pas établi sans restriction, tout est anarchie. Si la démocratie pure est encore à venir, tout est oppression. Il n’y a jamais rien à faire du présent qu’une révolution nouvelle, et il faut incessamment agiter, jeter et jeter encore le dé de la politique, jusqu’à ce qu’on amène le chiffre abstrait qui peut-être n’existe pas.

L’histoire vraie des institutions représentatives en France va être écrite, ou plutôt elle l’est déjà. M. Duvergier de Hauranne, dont l’esprit ferme est au-dessus des revers de sa cause comme de l’injustice des partis, a pris en main la cause de la vérité : la vérité sera dite ; mais il me semble que dès à présent, et sans suivre dans le détail le progrès laborieux des institutions libres, sans raconter leur chute soudaine, on peut présenter à l’avance quelques réflexions sur la question de gouvernement que la restauration avait à résoudre et sur les opinions et la conduite de ceux qui semblent en avoir le mieux compris la solution, solution à peine essayée et bientôt précipitée au rang des chimères ou des regrets.

J’ai indiqué les deux points de vue sous lesquels la restauration pouvait être envisagée. C’est là le pour et le contre entre lesquels on pouvait choisir, ou qu’il fallait concilier. Jamais on n’a choisi d’une manière absolue l’un ou l’autre. Les partis sont maîtres de