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silence et l’inaction. En elle réside aujourd’hui la véritable France ; c’est elle qui a reçu la charte, c’est elle qui la possède, c’est pour elle que vous faites des lois, c’est dans son intérêt seulement qu’il vous est permis de disposer d’un avenir qui n’est plus qu’à elle. Alliée naturelle d’un gouvernement qui la protège, et dont elle fait toute la force, unie avec lui de volonté, d’intérêt et de puissance, elle se confie avec amour au roi qui lui a été rendu, et ne lui demande que de régner sur elle par les lois que lui-même lui a données. Enfin elle veut la légitimité, l’ordre, la liberté ; mais elle ne connaît, n’estime et ne souhaite rien au-delà. Pour elle, les temps qui ont précédé notre révolution sont relégués dans l’histoire. »

C’était là le langage de la pure sagesse. Telle était ou plutôt telle pouvait être la nation nouvelle, celle qui ne devait dater que de la charte son entrée sur la scène du monde ; mais, pour qu’elle pût être ainsi, il fallait au moins que la royauté et son gouvernement acceptassent pleinement ce programme, et que, sans mélange et sans faiblesse, cette politique fût, d’une façon aussi claire que le jour, celle de la restauration. Or, on doit en convenir, malgré beaucoup d’excellentes intentions et d’utiles mesures, bien des craintes plausibles, des préjugés excusables, des difficultés intérieures empêchaient le pouvoir de déployer franchement ce drapeau, et cet idéal n’était pas réalisé. Il ne l’était point par la nation même. Elle avait aussi des défiances et des préventions très concevables, des ressentimens naturels, enfin des passions. On ne s’en douterait guère, la France a été une nation passionnée. Pour que ces causes de trouble moral ne produisissent pas leurs effets, il aurait fallu une constance de sagesse, d’habileté et de bonheur qu’on ne peut guère attendre d’un gouvernement, quel qu’il soit, et par suite des difficultés et des collisions qui se renouvelaient sans cesse, de part et d’autre on s’écarta de cette juste mesure, qui était la condition du succès. Ici, on fut constitutionnel avec tremblement ; là, monarchique avec défiance. Ce n’était que trop donner lieu aux partis de s’abandonner sur la pente de leurs passions, et au-delà des partis, les factions, animées par d’implacables inimitiés, travaillèrent comme de concert, les unes à miner la charte, les autres la royauté. Bien des sentimens honorables ou innocens à l’origine purent de tous côtés se changer ainsi en principes de renversement et de désordre, et l’inquiétude, croissant de proche en proche, dut un jour enfin mettre un terme aux progrès réguliers, aux luttes pacifiques, aux rivalités légales, et rouvrir la porte à tout ce qui ne pouvait se tenter et réussir qu’aux dépens de la prudence, de la paix ou de la loi. À partir de 1820, il y eut un temps d’arrêt dans la marche heureuse et tranquille du pouvoir. Des remèdes divers, tous extraordinaires, furent proposés à des maux dont on méconnaissait en par-