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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/506

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l’heureuse guerre d’Espagne, porta malheur à la restauration. Cependant il ne m’en coûte point de rendre justice non-seulement à d’honorables sentimens qui se firent souvent jour dans le pouvoir, mais à une habileté remarquable qui racheta plus d’une fois dans l’action les vices du système. On fit souvent avec sagesse des choses peu sages, et M. de Villèle n’est pas un ministre ordinaire.

Mais au sein d’une prospérité et d’une tranquillité auxquelles le gouvernement contribua pour sa part, un grand mal, un mal profond s’accomplit. Comme les attaches naissantes d’une plaie qui se cicatrise, les liens qui commençaient à réunir la nation et la monarchie se déchirèrent, et la plaie s’enflamma. Cette nation, qui devait être gagnée ou désarmée par la charte, fut peu à peu amenée à faire de la charte même son arme de défense et de guerre. Cette France nouvelle, dont nous voyions tout à l’heure saluer l’apparition comme du véritable appui de la monarchie renouvelée, fut au contraire repoussée du côté où la monarchie n’était pas. L’abîme se rouvrit, l’abîme se creusa entre le pays et la restauration. L’habileté accidentelle, la modération relative, rien ne réussit à tromper, à calmer, à briser cet instinct de défiance, qui, s’emparant de la nation, la conduisit par le ressentiment à l’impatience. Ses justes mécontentemens s’aigrirent de mille causes imaginaires de désaffection et d’inimitié. Il y avait précisément assez de liberté pour que la propagation de la malveillance fût puissante et rapide. Les partis inquiets, puis offensés, puis hostiles, fortifiés par la venue de ces générations nouvelles, exemptes des tristes souvenirs qui laissaient un fonds d’effroi dans les âmes les plus fermes, devinrent de plus en plus redoutables, et par là même avec leurs forces s’accrurent leurs griefs. Il se forma comme une coalition naturelle de toutes les opinions qui, avec des nuances innombrables, s’accordaient à repousser cet esprit contre-révolutionnaire, dont la victoire eût consterné la sagesse et déchaîné la passion. L’espérance de le voir triompher un jour, l’obstination seulement à n’en jamais abandonner l’envie, suffisaient, chez ceux qu’on en soupçonnait, pour rendre leur concours odieux au peuple et nuisible au pouvoir. Ils ne comprenaient pas que parler seulement avec un goût spéculatif de la contre-révolution, c’était menacer le pays d’en ressaisir l’occasion, si elle s’offrait, et l’aliéner pour une chimère, car si la chance de revenir à l’ancien régime était chimérique, ce qui ne l’était pas, ce qui n’était que trop réel, c’était cette misanthropie politique qui, toujours indignée du présent et le condamnant au profit du passé, semblait ne rêver que revanche à prendre et démenti à donner aux prétentions de la France nouvelle. Il y avait là une fatale question de point d’honneur entre un parti et la nation.

Personne ne peut nier aujourd’hui qu’à la fin de 1827, une dé-