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Grâce à lui, l’existence du ministère Martignac ne fut jamais prise que pour une trêve. La royauté s’attacha à prouver qu’elle le supportait, mais ne le soutenait pas. Les ministres n’étaient d’aucune façon en mesure de se rendre forts par eux-mêmes et de s’imposer à la couronne. La confiance n’était nulle part. Cabinet, chambres, nation, le roi se défiait de tout. Ni sur le roi, ni sur les chambres le cabinet ne pouvait compter. Les chambres suspectaient les intentions de la cour et la faiblesse du ministère. L’opinion publique n’était assurée que d’elle-même. Jamais aucune époque n’a été plus propre à préparer la chute d’un gouvernement. Plus qu’en 1789, s’il est possible, la France avait foi dans sa raison, dans sa volonté, dans sa force ; certainement, plus qu’en 1789, elle jugeait la royauté hors d’état de lui résister longtemps ; sans se proposer de la renverser, elle la croyait capable de se perdre, et elle était décidée à la laisser faire.

Ainsi s’explique la dernière époque de la restauration, celle où tout le monde vit avec une clarté parfaite se préparer jour par jour, heure par heure, une infaillible révolution.

Je me borne à indiquer l’événement. Que d’autres le décrivent et le jugent. Croire à la nécessité de le défendre serait à mes yeux manquer de respect à la France.

Il vaut mieux généraliser les questions, et, prenant la révolution de 1830 comme un des événemens du même genre auxquels doivent s’habituer les hommes du XIXe siècle, chercher à tempérer par des considérations toutes politiques soit l’âpreté des principes absolus, soit la vivacité des sentimens irréfléchis. En ce moment, les révolutions ne sont pas en faveur. Ceux qui en ont fait, ceux qui en vivent, tiennent le même langage que ceux qui en ont souffert. Dans l’affaiblissement général des convictions et des courages, on voudrait un refuge, une sauvegarde contre les grands mouvemens sociaux, et l’on se jette dans ces croyances de statu quo qui ne calment que l’inquiétude d’esprit, ou dans ces passions de repos à tout prix qui se persuadent qu’il suffit de craindre un danger pour le conjurer.

Il faut à la guerre une bonne cause et la victoire ; mais il ne suffit point de supposer l’une et l’autre pour les avoir, et toutes les affirmations du monde ne créent rien de ce qu’elles signifient. Ce qu’il faut, c’est une réalité qui persuade les peuples, leur inspire la foi et le respect, c’est-à-dire la conviction qu’il y a là quelque chose d’indispensable à leur salut. Or comment une telle conviction peut-elle s’établir, si ce n’est par des preuves de fait ? Comment inspirer le respect autrement qu’en le méritant et en l’obtenant ? Ce sont choses si claires qu’on rougit de les redire. Ce qu’on appelle la légitimité s’acquiert comme elle se perd, car elle n’est et ne peut être que l’inviolabilité reconnue. Il serait difficile de prouver qu’elle ait