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planétaire, entre le microcosme et le macrocosme, si chère aux cabalistes de tous les temps[1].

Plusieurs de ces idées, basées naturellement beaucoup plus sur le pressentiment que sur l’expérience, et qui dataient de la première période de ses études médicales, persistèrent chez Goethe jusque dans l’âge avancé. Ainsi nous le voyons en 1798 recommander à Schiller de bien se garder d’omettre l’influence astrologique dans les événemens précurseurs de la chute de Wallenstein, et fonder sa recommandation sur l’harmonie qui existe entre l’homme et l’univers. Le motif astrologique, dit-il, repose sur des données profondes, et cette superstition ne nous vient que d’un vague sentiment de l’immense tout. L’expérience nous enseigne que les astres les plus rapprochés de nous exercent une incontestable action sur la température, la végétation, et mille autres phénomènes. Essayez maintenant de vous élever par degrés, et cherchez où s’arrêtera cette action. Qui m’empêche dès-lors de l’étendre sur la vie morale, sur le bonheur et sur le malheur de l’homme ? On comprend bien qu’une intelligence vouée à de pareilles études, soumise en outre à la constante influence de cette noble et pieuse personne qui s’appelait Mlle de Klettenberg, dut se sentir médiocrement attirée par le fameux Système de la Nature, dont on faisait, hélas ! si grand bruit à cette époque. Cet exposé terne et vide d’un athéisme aussi creux que superficiel outrageait les premières croyances de Goethe sans pouvoir satisfaire sa raison. Il annote Bayle, lit Voltaire et Rousseau ; mais quelque plaisir qu’il trouve à ces fréquentations, le Système de la Nature le révolte, et, docile au mystérieux appel de la religion, il communie dévotement et s’efforce de vivre au milieu de ces bonnes âmes parmi lesquelles l’avait introduit Mlle de Klettenberg, pénible effort qui pourtant ne se prolonge pas. « Si ennuyeuses, hélas ! sont ces bonnes âmes, » qu’à la longue il n’y peut plus tenir, et déserte, en confessant ses torts à ses amis.

Un mot maintenant sur Mlle de Klettenberg. Quelques années auparavant, Goethe, souffrant de corps et d’esprit, avait, à son retour de Leipzig, trouvé chez une amie de sa mère des soins intelligens et dévoués, une sollicitude à la fois empressée et pleine de discrétion. Cette femme, d’une organisation excessivement délicate, d’un naturel ouvert et bienfaisant, tout cœur et tout esprit, se nommait Mlle de Klettenberg, et par sa naissance appartenait à la noblesse, dont elle avait les manières et le ton. Souffreteuse et maladive, son zèle pour les autres et sa charité ne se ressentaient pas

  1. Inter alia signa rachitidis morbi advenientis recenset Boerhaave in op. 1486 in-genii prœmaturum aeumen, etc. Voyez Schoell, p. 77.