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met dans la bouche d’un vieux courtisan ignorant : Du latin ! du latin ! de mon temps, un gentilhomme en eût été déshonoré. Et cette saillie devient pour eux une preuve que la noblesse d’épée était encore très illettrée jusqu’à Louis XIV. Rien n’autorise une pareille conclusion. La phrase attribuée par Saint-Évremond, dans un dialogue fictif, au commandeur de Jars n’est qu’une saillie destinée à mettre en relief l’ignorance particulière du personnage en question : elle n’a aucune signification comme témoignage historique ; on peut lui opposer des faits nombreux qui prouvent que non-seulement la noblesse de robe, mais la noblesse d’épée recevait, longtemps avant Louis XIV, une instruction classique plus soignée que celle qui se donne généralement aujourd’hui. On n’a qu’à lire dans les mémoires d’un homme d’ailleurs très frivole, dans les mémoires de Bassompierre, les détails précis et minutieux que l’auteur nous fournit sur ses années de seconde, de rhétorique et de logique, depuis 1593 jusqu’en 1596, pour reconnaître qu’à cette époque les gentilshommes n’en étaient déjà plus à rougir de savoir le latin. À l’exemple de Bassompierre, on pourrait en ajouter mille autres ; celui que nous offre d’Urfé n’est pas le moins éclatant.

Issu d’une des plus grandes familles de l’ancienne province du Forez, Honoré d’Urfé appartenait à une race qui, depuis longtemps déjà, faisait marcher de front le goût des lettres et les occupations de la guerre et de la politique. Son grand-père, Claude d’Urfé, successivement bailli du Forez sous François Ier, capitaine de cent hommes d’armes, ambassadeur auprès du saint-siège sous Henri II, gouverneur des enfans de France, avait formé dans son château de La Bâtie, près de Montbrison, une bibliothèque signalée par Du Verdier comme une des plus belles de l’époque, et de laquelle ont