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— les figures en demi-relief de Donatello et de Desiderio da Settignano par exemple, — pour sentir ce que le dessin et le modelé ont ici de faux ou d’insuffisant, et quelle large part de complicité revient à Cellini dans les erreurs de l’école qui succéda en Italie à l’école de la renaissance. Les sculpteurs italiens du XVe siècle avaient pu quelquefois manquer de puissance, s’il faut entendre par ce mot l’ampleur du faire et cette énergie de style qu’il n’appartint ensuite qu’à Michel-Ange de concilier avec la finesse ; mais quelle délicatesse dans leur manière de rendre la nature, quelle correction savante sans ostentation, rigoureuse sans sécheresse ! La manière de Cellini au contraire est à la fois grêle et emphatique. Quoi de plus inerte que la silhouette de cette longue figure où la raideur linéaire parodie la majesté ? Quoi de plus vide que le modelé de la poitrine, de plus pauvre que le dessin des jambes ? Des prétentions à la grandeur compliquées de préoccupations mesquines, une main habituée à exprimer des formes exiguës dépaysée dans un travail gigantesque et s’évertuant à jouer l’aisance, — voilà ce qu’accuse fort clairement l’œuvre dont l’orfèvre florentin entendait se faire un titre pour prendre rang parmi les statuaires. Faut-il s’étonner après tout du résultat de sa tentative ? Un artiste familiarisé avec les vastes entreprises peut bien, sans apprentissage préalable, mener à bonne fin des tâches de dimension et de portée plus modestes, exceller même dans cet ordre de travaux qu’il aborde pour la première fois. Qui peut le plus peut le moins ; les sculpteurs italiens l’ont prouvé de reste quand ils se sont occupés de quelque ouvrage d’orfèvrerie, et l’on expliquerait par des raisons semblables la supériorité des peintres d’histoire qui ont traité accidentellement le paysage sur les paysagistes de profession ; mais, est-il besoin de le dire ? qui peut le moins ne peut pas toujours ni aussi bien le plus. On n’aborde pas tout d’un coup sans péril les plus hautes conditions de l’art, on ne devient pas d’un jour à l’autre capable de modeler à souhait une composition monumentale quand on n’a fait toute sa vie que monter des bijoux, ciseler des salières ou graver des médailles. La Nymphe de Fontainebleau atteste, au moins chez Benvenuto Cellini, l’impossibilité d’une transformation aussi radicale.

Il ne semble pas que François Ier ait jugé de cette façon l’essai de grande sculpture où s’était aventuré l’artiste qu’il protégeait, bien que les statues antiques moulées en Italie et rapportées à Fontainebleau dussent être en pareil cas des termes de comparaison concluans. Si l’on en croit Cellini, le roi salua sans hésiter le travail du nom de chef-d’œuvre, et l’auteur lui-même du glorieux titre d’ami. François Ier ce jour-là ne plaçait pas très opportunément son admiration, mais, il faut en convenir, il plaçait son amitié plus mal à