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de modifier dans plusieurs de ses dispositions essentielles l’ordonnance du 14 septembre 1764, contre-signée par M. le duc de Choiseul. En 1764, le corps de la marine se recrutait exclusivement dans les rangs de la, noblesse. Les volontaires gentilshommes pouvaient seuls aspirer à l’honneur de servir en qualité d’officiers sur les vaisseaux du roi. Les jeunes gens de bonne famille qui étaient admis, concurremment avec les jeunes gentilshommes, à naviguer sur les bâtimens de sa majesté dans l’emploi de volontaires n’étaient destinés, ce noviciat expiré, qu’à commander les bâtimens des particuliers. En temps de guerre, sa majesté délivrait à un certain nombre de ces capitaines marchands, formés à l’école de la marine royale, des commissions d’officier. L’accès du grand corps n’était définitivement ouvert qu’à ceux qui, pendant l’emploi provisoire que le roi avait daigné faire de leurs services, avaient pu par de belles actions mériter cette insigne faveur. M. de Castries effaça la distinction établie par l’ordonnance de 1764 entre les volontaires gentilshommes et ceux qui ne l’étaient pas. Les fils de « sous-lieutenans de vaisseau ou de port, de négocians en gros, d’armateurs, de capitaines marchands, et de gens vivant noblement, » purent briguer, après six ans de service dans l’emploi de volontaire, le grade de sous-lieutenant de vaisseau. Les volontaires remplissaient à bord des bâtimens du roi les mêmes fonctions que les élèves de la marine ; ils vivaient à la même table et portaient le même uniforme. Placés sous la police immédiate des majors ou premiers lieutenans, ils étaient subordonnés au maître d’équipage, au maître pilote et au maître canonnier. Après six ans de navigation, s’ils préféraient la carrière de la marine marchande à celle de la marine royale, ils pouvaient être reçus capitaines au long cours à l’âge de vingt-trois ans, le roi ayant daigné déroger en leur faveur aux règlemens d’après lesquels ce brevet ne pouvait être obtenu avant l’âge de vingt-cinq ans.

Le frère que j’avais perdu était sur le point de profiter du bénéfice de ces dispositions libérales : une mort prématurée avait brisé les espérances que nous fondions sur son avenir ; j’avais l’ambition de remplacer ce frère si regretté, et mon amour-propre était vivement excité par la pensée de faire un jour partie d’un corps qui, depuis le règne de Louis XIV, était considéré comme le premier corps militaire du royaume ; mais, pour être inscrit sur les registres des volontaires, il fallait seize ans accomplis, il fallait avoir navigué douze mois au moins sur les bâtimens du roi ou du commerce. Les jeunes gens qui, comme moi, n’avaient pas encore l’âge ou le temps de navigation exigé, n’étaient admis que provisoirement au service sous le titre d’aspirans volontaires.

Grâce à la protection du commandant du port, je fus embarqué