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À quinze siècles de distance, la tendresse chrétienne qui inspira l’hymne délicieux SaIvete, flores mariyrum, reparaît dans ces vers pour le jour des Saints-Innocens :


« Oh ! ne pleure pas sur la tombe de tes enfans, Rachel ; ne pleure pas. Le bourgeon naissant est cueilli par le martyre : la fleur s’épanouira dans les cieux.

« Prémices de la foi, le couteau du meurtrier a perdu sur vous sa plus mortelle atteinte ! Le Dieu pour lequel ils ont donné leur vie est venu souffrir pour eux.

« Bien que leurs jours aient été courts et faibles, baptisés dans le sang et la souffrance, il les connaît, ce Dieu qu’ils n’ont jamais connu, et ils sont assurés de revivre.

« Ne pleure donc pas sur la tombe de tes enfans, ô Rachel ; le bourgeon naissant est cueilli par le martyre ; la fleur s’épanouira dans les cieux. »


C’est ainsi que presque tous les pieux souvenirs du christianisme, les mystères de la foi, les fêtes du culte, les noms des saints consacrés furent célébrés par l’évêque-poète. Correct et gracieux génie, tantôt il a pour nous, dans une langue du Nord, l’élégante douceur de Grégoire de Nazianze, tantôt la simplicité naïve de quelques anciens chants de l’église. L’un et l’autre caractère respirent dans cette hymne pour le jour de Saint-Étienne :


« Le fils de Dieu[1] s’avance à la guerre, pour gagner une royale couronne. Sa bannière rouge de sang flotte au loin dans les airs. Quel suivant figure dans son cortège ?

« Celui qui savoure le mieux sa coupe d’amertume et qui triomphe de l’affliction, celui qui porte avec patience la croix ici-bas, celui-là est du cortège du Christ.

« C’est là le premier martyr dont l’œil sut pénétrer au-delà du tombeau, qui aperçut son maître dans les cieux et l’invoqua pour être sauvé.

« Comme lui, le pardon sur les lèvres, au milieu des souffrances d’une angoisse mortelle, il pria pour ses bourreaux. Quel suivant marche après lui ?

« Une troupe glorieuse, ce petit nombre d’élus sur lesquels est descendu l’esprit de Dieu, douze saints courageux, sûrs de leur espérance et bravant la croix et le bûcher.

  1. The son of God goes forth to war,
    A Kingly crown to gain :
    His Mood-red bamer streams afar !
    Who follows in his train ?
    Who best can drink his cup of woe
    Triomphant over pain,
    Who patient bears his cross below
    He follows in his train !
    Etc…