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« Des montagnes glacées du Groenland, des rivages de corail de l’Inde jusqu’aux lieux de l’Afrique où des sources brûlantes roulent leur sable d’or, de la rive des fleuves, du fond des plaines ombreuses, les hommes nous appellent pour les délivrer des chaînes de l’erreur.

« Bien que des brises parfumées passent avec douceur sur l’Ile de Ceylan, bien que chaque horizon y charme les yeux, et que l’homme seul y soit dégradé, en vain les dons de Dieu sont là répandus avec une prodigue bonté : l’idolâtrie dans son aveuglement s’agenouille devant le bois et la pierre.

« Pouvons-nous, lorsque nos âmes sont éclairées de la sagesse d’en haut, pouvons-nous, à ces hommes demeurés dans les ténèbres, refuser la lampe de vie, le salut ?

« Oh le salut ! faites retentir ce mot d’allégresse jusqu’au jour, jusqu’au lieu où le peuple le plus lointain aura reçu le nom du Christ.

« O vous, souffles des vents, portez ce souvenir, et vous, vagues roulantes, entraînez-le dans votre cours, de sorte qu’il s’étende, comme une surface lumineuse, d’un pôle à l’autre, jusqu’au jour où l’agneau immolé pour les pécheurs, le rédempteur, le roi, le Créateur rétablira sur notre nature sauvée son règne béni. »


Ce pieux élan et bien d’autres affections du même cœur n’étaient pas, comme on l’a dit quelquefois, le langage d’un politique théiste servant de ses vertus la domination anglaise dans l’Inde. vomme chez Fénelon, il y avait dans Réginald Heber, à côté du charme des lettres, de la persuasion habile et gracieuse, de la prévoyance et de la sagacité mondaine, le don naturel de l’enthousiasme, le goût de l’élévation spéculative, l’amour de Dieu et de l’humanité, et par là le génie du poète dans son plus noble essor. Ce caractère, marqué dans les essais mêmes de sa jeunesse, dans un poème sur la Palestine et dans presque tous ses hymnes, animait toute sa vie, comme il sanctifia sa mort. Consumé par les fatigues de son zèle et par le regret de ses stériles efforts, Héber succomba de bonne heure à l’épreuve dévorante du ciel de l’Inde. Il mourut à trente-sept ans. Sa jeune femme, initiée aux même études, rapporta en Angleterre ses ouvrages, qu’elle a publiés en y joignant sa vie.

Son nom est demeuré célèbre et surtout aimé dans toutes les communions protestantes. L’Amérique du Nord réimprime ses vers, et dans un des états unis de formation récente, près des chutes du Niagara, deux églises ont été bâties avec des inscriptions dédiées à sa mémoire. Voilà les honneurs rendus à ce noble et gracieux génie, qui, dans la foi romaine, aurait mérité d’être un saint, et qui a laissé chez les dominateurs de l’Inde la renommée d’un sage et d’un poète. Puisse sous un autre ciel, et parmi d’autres descendans de ses compatriotes, l’invocation religieuse de son nom adoucir un peu la rudesse de l’extrême démocratie ! Puisse le pieux souvenir et la vertu chrétienne d’un tel homme, d’accord avec d’autres voix évangéliques,