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obtenu par la douceur : en outre, il ne prisait que les mathématiques, et les goûts d’Olivier étaient tout littéraires. Ce fut bientôt une guerre acharnée entre l’élève et le maître. Un jour, il y avait réunion dans la chambre de Goldsmith, on y buvait du punch en dépit des règlemens, on y chantait, et le tapage était grand. Averti par le bruit, le docteur Wilder arrive, et sa vue met en fuite les coupables. Olivier, accablé de reproches et poussé à bout, répond par une impertinence ; le professeur, irrité, le jette à terre d’un coup de poing. C’était plus qu’Olivier ne pouvait supporter. Il se persuade qu’il ne peut rester à l’université après un tel affront, il vend ses livres, il emprunte à ceux de ses camarades qui lui ouvrent leur bourse, et le voilà parti furtivement. Où allait-il ? Il n’en savait rien : sa seule idée était de gagner les côtes et de s’embarquer pour l’Amérique. Ses faibles ressources furent bientôt épuisées. En approchant de Cork, il n’avait plus en poche qu’un seul shilling sur lequel il vécut trois jours ; son dernier penny dépensé, il erra encore un jour ou deux sans prendre de nourriture, et il serait mort de faim si une jeune fille, le voyant de grand matin hâve, exténué et se soutenant à peine, ne lui avait donné une assiette de petits pois. Ce souvenir demeura gravé dans son esprit, et aux derniers jours de sa vie, il parlait encore du bonheur avec lequel il avait dévoré ce plat de petits pois. Vaincu par la famine, il prit le parti d’écrire à son frère. Henri accourut, le fit soigner, l’habilla de neuf et le reconduisit lui-même à l’université, où il parvint à le réconcilier avec le docteur Wilder.

Le 27 février 1749, Olivier fut reçu bachelier ès-arts. Pleins de confiance dans ses facultés brillantes et sa facilité, ses parens avaient compté qu’il s’ouvrirait la voie des honneurs universitaires : les succès qu’il avait obtenus dans les examens, chaque fois qu’il s’était préparé sérieusement, autorisaient ces espérances, qui furent trompées, car Olivier fut reçu le dernier de sa promotion. Il revint dans sa famille, et comme sa mère, réduite à une extrême pauvreté, avait peine à suffire à l’entretien de ses plus jeunes enfans, il résidait le plus habituellement auprès de son frère Henri, qu’il aidait dans la direction de son école. Deux années s’écoulèrent ainsi dans une oisiveté presque complète : il employait une partie de ses journées à lire des récits de voyages, des contes et des romans, il passait le reste du temps à visiter ses parens et ses amis ; puis il donnait rendez-vous dans une auberge aux jeunes désœuvrés du pays, et les soirées s’écoulaient à jouer au whist, à chanter des chansons et à échanger des plaisanteries de village. Dans cette société, à laquelle il était fort supérieur par l’éducation et l’intelligence, il contracta une certaine vulgarité de manières dont la fréquentation de la bonne