Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’échappe malicieusement des lèvres de Mlle Girard, qui se fait justement applaudir. C’est un rien, une espièglerie de vaudeville, très bien rendue par le compositeur et la virtuose.

Si malgré tout cela l’opéra de Margot n’est pas un chef-d’œuvre ; ce n’est peut-être pas absolument la faute du musicien, qui a fait de son mieux, et dont le style est parfois très soigné. Il se pourrait que les prétentions et les exigences de la prima donna assolutissima eussent exercé une influence fâcheuse sur M. Clapisson, qui a été plus heureux autrefois, ne fût-ce que dans la Fanchonnette. L’exécution de Margot est en général assez bonne. Les chœurs et l’orchestre marchent avec ensemble, et M. Meillet fait preuve d’intelligence dans le rôle du fermier normand. C’est une justice qu’il faut rendre à la direction du Théâtre-Lyrique, que les moindres détails de la mise en scène y sont soignés. N’oublions pas non plus que M. Carvalho nous a fait entendre Oberon et Euryanthe au théâtre qu’il exploite à ses risques et périls, tandis que l’Opéra, sous la main de la liste civile, a laissé échapper cette belle occasion d’enrichir son répertoire de deux chefs-d’œuvre de plus.

Cependant on vient de reprendre à l’Opéra, pour le bénéfice de Mme Rosati, un très joli ballet, la Somnambule, qui remonte à l’année 1827. Le scenario de M. Scribe a fait le tour de l’Europe depuis que Bellini s’en est inspiré en 1831. La musique du ballet où Mme Rosati déploie une si grande vérité d’expression mimique est un badinage délicieux d’Hérold, qui préludait ainsi à la création de Zampa et du Pré aux Clers. Le spectacle est d’ailleurs amusant et mérite bien qu’on aille le voir. Le 28 novembre, il y a eu également à l’Opéra une belle solennité musicale au profit de la caisse des pensions accordées aux artistes de ce grand établissement. Le programme, riche et varié en morceaux de maîtres a commencé par la symphonie en la de Beethoven, qui a produit tout son effet. Après le Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn, qui a été aussi fort goûté par le public nombreux qui emplissait la salle jusqu’aux combles, la première partie s’est terminée par la Bénédiction des Poignards du quatrième acte des Huguenots, morceau colossal, une des plus grandes pages de musique dramatique qui existent. Le public, enthousiasmé par une bonne exécution, a voulu réentendre cette scène, où la fureur du fanatisme religieux a été rendue d’une manière inimitable. La deuxième partie du concert, qui aurait pu être mieux composée, a été close par le finale du troisième acte de Moïse de Rossini, autre conception sublime du génie le plus fécond et le plus varié qui se soit produit dans la musique dramatique. L’exécution de ce dernier morceau à laissé beaucoup à désirer, surtout la prière qui s’y trouve encadrée, et dont ces messieurs ne rendent ni l’onction divine, ni la suprême délicatesse. Ils en font un allegretto ! Non parliam di loro

Le Théâtre-Italien poursuit le cours de ses représentations et fait de son mieux pour lutter contre les difficultés de la situation que lui ont faite les destins. Après il Barbiere di Siviglia, qu’on a repris au grand contentement des zelanti, on a donné la Cenerentola avec Un nouveau ténor, M. Bellart, qui n’est point à mépriser. D’origine espagnole, M. Bellart possède une voix agréable, suffisamment flexible, et ne manque ni de goût ni de sentiment. Il fera bien cependant de mieux composer ses points d’orgue qui sont quelquefois ridicules, et de ne pas trop précipiter le mouvement de ses gammes