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jeter le trouble dans la situation économique du pays. Le ministère a démenti ces assertions avec autant de netteté que d’énergie, et ne l’eût-il point fait, il y aurait un motif bien simple pour qu’on ne crût pas un mot de ces imputations : c’est que ce n’est point évidemment l’intérêt du cabinet de Bruxelles de réveiller ou de créer des difficultés qui n’existent pas. Une crise des plus graves a pesé sur la Belgique pendant plusieurs mois ; elle vient de se dénouer régulièrement par des élections qui créent une situation nouvelle. Le ministère n’a pu songer assurément à compromettre encore une fois cette situation, en faisant naître des crises d’un autre genre, pour le simple avantage de donner satisfaction aux fantaisies déréglées des libéraux exagérés. La véritable habileté est dans la modération, car seule la modération concilie toutes ces croyances, tous ces instincts divers qui se réunissent dans l’âme d’un pays et qui font sa force.

Quant à la Suisse, l’assemblée fédérale vient de se réunira Berne, et son premier acte a été de procéder à la reconstitution du conseil fédéral exécutif. Les principaux membres qui le composaient précédemment ont été nommés de nouveau. M. Furrer a été élu président de la confédération helvétique. Ce qui donnait une certaine importance à cette réunion de l’assemblée fédérale, c’est que le conseil national, qui est représentation essentiellement populaire, se trouve entièrement renouvelé par une élection générale qui a eu lieu il y a deux mois. Politiquement, trois partis principaux sont en présence dans le conseil national. Il y a les libéraux modérés, qui veulent pratiquer dans un esprit conservateur les institutions réformées en 1848, — les radicaux, qui tendent sans cesse à pousser la Suisse dans la voie révolutionnaire, et le parti catholique, qui cherche aujourd’hui à regagner une influence perdue depuis près de dix ans. Longtemps les catholiques ont subi en Suisse les dures conséquences de la défaite du Sonderbund. Peu à peu néanmoins ils ont travaillé à se guérir de leurs blessures, à secouer le joug que le radicalisme triomphant avait fait peser sur eux, et ils ont fini même, non sans de longues et patientes luttes, par regagner quelque ascendant dans plusieurs cantons, notamment à Fribourg, où ils sont aujourd’hui au pouvoir. Dans les dernières élections du conseil national, ils ont obtenu un certain nombre de nominations. Les catholiques, en un mot, sont parvenus à compter de nouveau en Suisse, et c’est là un des élémens de la situation de la république helvétique. Jusqu’à quel point cependant les questions essentiellement politiques occuperont-elles l’assemblée fédérale ? C’est ce qu’on ne peut préciser ? En Suisse, la politique se complique d’une multitude de considérations d’intérêt local et matériel. Les questions de chemins de fer ont joué un grand rôle dans les dernières élections, et l’assemblée fédérale va sans doute avoir à s’occuper avant tout du conflit qui s’est élevé entre les autorités centrales de la confédération et le canton de Vaud au sujet du tracé du chemin de fer de Lausanne a Berne. Catholiques et radicaux s’effacent ici, et il n’y a plus que les partisans des divers tracés en présence.

Que les questions matérielles tiennent aujourd’hui une grande place dans la vie universelle, c’est ce que tous les signes du temps attestent assez, et de plus ces questions d’industrie, de crédit, de finances, créent, autant que les intérêts moraux et politiques, une solidarité telle que tous les pays subissent