Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur les frontières du nord, et, dans cette période d’angoisses qui précéda la grande expédition, il fut initié aux secrets les plus intimes de la politique du roi, investi des pouvoirs les plus étendus, autorisé en certains cas, dont il restait seul juge, à prendre des résolutions qui tranchaient la question de la paix et de la guerre avec la France.

Lorsque le roi eut signé le traité du 24 février 1812, il informa le général York que son corps allait devenir une division auxiliaire du 10e corps de la grande armée, commandé par le duc de Tarente, et qu’il était placé sous les ordres immédiats du général de Grawert, vieux militaire plein de courage et d’honneur qui avait subi le prestige du génie de Napoléon, et qui avait dû à ses opinions, dont il ne faisait point mystère, d’être désigné par le cabinet français au choix du gouvernement prussien. Le général York n’allait plus avoir qu’un rang subalterne au milieu de ces troupes qu’il avait exercées et disciplinées depuis plusieurs années avec une sorte d’amour, dans l’intention certainement d’en faire les instrumens futurs de la délivrance de son pays. Le roi, en lui commandant la soumission, lui avait fait comprendre qu’il attendait de lui cette nouvelle preuve de dévouement. York se résigna, mais il ne resta pas longtemps au second rang dans ce corps d’armée qui était le sien en quelque sorte. Le général de Grawert fut atteint d’une maladie si grave, qu’il fut obligé, le 28 juillet, de remettre provisoirement son commandement entre les mains du général York, et le roi s’empressa de sanctionner un changement qui était selon ses vœux. York ne possédait pas seulement sa confiance ; il avait l’habitude des situations violentes qui exigent de l’initiative, assez de pénétration pour deviner ce qui ne pouvait s’écrire, assez de hardiesse pour oser ce qui ne pouvait se commander, et toutefois beaucoup de prudence, de circonspection, et un dévouement à toute épreuve. Il n’était pas jusqu’aux aspérités de son caractère, à son humeur hautaine, à la sécheresse de ses manières, qui dans les circonstances actuelles ne dussent concourir au succès de la mission dont il était chargé.

Après un combat livré le 19 juillet, sur les rives de l’Aa, et dans lequel les Prussiens avaient montré un élan remarquable, le duc de Tarente avait autorisé le général de Grawert à discuter et à régler avec le général Essen, gouverneur de Riga, les conditions d’un échange de prisonniers. York, sans y attacher aucune arrière-pensée, crut pouvoir continuer ces négociations, et il eut, à cet effet, une entrevue avec le général Essen, qui profita de l’occasion pour lui faire de secrètes ouvertures de la nature la plus compromettante. C’est à cette même époque qu’un Français, qui avait suivi la fortune de Moreau, et qui venait de prendre du service en Russie, le colonel Rapatel, évoquait l’amitié qui unissait autrefois Macdonald et le général exilé, et tentait d’ébranler la fidélité du premier.