Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à perdre ; montrez cette lettre au roi. » York transmit immédiatement ces faits à Potsdam par l’intermédiaire d’un jeune officier que sa naissance rattachait à la famille royale, le comte de Brandebourg.

Le gouvernement russe était mécontent des échecs militaires qu’avait essuyés le général Essen, plus mécontent encore du peu de tact qu’il avait montré dans la négociation secrète avec York : il le remplaça par un Italien doué d’une certaine dextérité et surtout de beaucoup de faconde, le marquis de Paulucci. La mission confiée au nouveau général, comme à Essen, était de combattre le duc de Tarente à la fois par les armes et par les manœuvres déloyales de l’embauchage et de la défection. Le 14 novembre, quatre jours après son arrivée à Riga, Paulucci écrivit à York pour l’exciter à jouer le rôle de La Romana : « Les bulletins ci-joints, lui disait-il, vous montreront la situation désespérée dans laquelle se trouve l’ennemi implacable de votre pays, le second Attila qui a renouvelé de nos jours toutes les horreurs du temps des Huns et des Vandales. Les circonstances mettent la Prusse en état de devenir le juge suprême du sort de l’Europe, et elles vous appellent vous-même à être le libérateur de votre patrie. »

L’honneur militaire commandait au général York de laisser sans réponse un pareil message ; il répondit cependant : « Je prie votre excellence d’être bien convaincue que je ne connais et ne connaîtrai jamais d’autre intérêt que celui de mon roi et de ma patrie ; mais permettez-moi de vous faire remarquer qu’un homme mûri par l’expérience ne voudra jamais compromettre ces intérêts sacrés par une action émancipée ou prématurée. L’exemple de La Romana ne m’est point applicable. »

Le général comte de Wittgenstein vint joindre ses efforts à ceux de Paulucci. Il écrivit à York : « Je vous offre la coopération de mon corps d’armée pour aider à l’anéantissement de ces forces oppressives qui ont réduit la Prusse à prendre part aux entreprises insensées de Napoléon. J’ai avec moi 50,000 hommes de braves troupes qui la plupart ont déjà combattu pour la cause de la Prusse sur les champs de bataille de Pulstuck, d’Eylau, d’Eilsberg et de Friedland. »

En même temps que les généraux russes ourdissaient cette trame, le général Steigel recevait l’ordre de prendre, de concert avec Wittgenstein et Paulucci, une offensive hardie, de se jeter sur les cantonnemens disséminés du 10e corps et de le refouler sur Tilsitt. Cette attitude menaçante de l’ennemi et la nouvelle de l’arrivée de la grande armée sur Smolensk déterminèrent Macdonald à se concentrer autour de Stalgen. En conséquence, il rappela la division Grandjean, qu’il avait dirigée vers Plosk afin de dégager Gouvion Saint-Cyr, et attendit de pied ferme dans ses cantonnemens les atta-