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lesquelles se trouve actuellement la Hollande. Il est bien clair d’abord qu’une telle situation, où le gouvernement et le parlement sont en ouverte hostilité, ne peut se prolonger. De toute façon, il faudra ou que le ministère se retire, ou que la chambre soit dissoute. C’est là le résultat le plus clair des dernières discussions du budget. On ne peut nier cependant que, dans ces débats mêmes, le cabinet n’ait fait quelques concessions. Ainsi M. van der Brugghen a récemment déclaré que le gouvernement renonçait à l’idée d’élaborer un plan d’organisation de toutes les branches d’enseignement, et qu’un projet sur l’instruction primaire serait incessamment présenté ; mais en paraissant donner quelque satisfaction aux plaintes de la chambre, le cabinet a encouru la disgrâce du parti anti-révolutionnaire, qui l’appuyait, et il est loin d’avoir désarmé ses adversaires, de sorte que la situation reste la même, si ce n’est que le cabinet de La Haye risque d’exciter les défiances de tous les partis.

Les affaires de la Hollande sont d’autant plus compliquées aujourd’hui qu’il vient s’y mêler une autre question délicate, blessante pour la fierté libérale du pays, et qui a eu du retentissement à La Haye comme en Allemagne, celle des conditions politiques du Luxembourg, où la constitution vient d’être brusquement réformée malgré la résistance du parlement. C’est une question qui, par la confusion des souverainetés, rappelle un peu celle de Neuchâtel, qui a surtout de l’analogie avec ce qui se passe dans le duché de Holstein en Danemark. Le grand-duché de Luxembourg, on ne l’ignore pas, a été annexé en 1815 aux Pays-Bas sans cesser d’appartenir à la confédération germanique. Mêlé à la révolution belge de 1830, scindé plus tard en deux parties, dont l’une passait à la Belgique tandis que l’autre restait à la Hollande, le Luxembourg, dans sa partie néerlandaise, a eu toujours une existence distincte tenant à sa double nature d’état allemand relevant de la couronne de la maison d’Orange. Cette existence spéciale était consacrée dès 1841 par une constitution qu’octroyait le roi Guillaume II peu après son avènement. Puis venait la constitution de 1848, que le roi actuel Guillaume III sanctionnait en envoyant son frère, le prince Henri des Pays-Bas, comme son lieutenant au Luxembourg. La constitution de 1848 se ressentait du temps qui l’avait vu naître, cela n’est point douteux ; elle était d’un esprit extrêmement libéral. En définitive pourtant, elle n’était la source d’aucun désordre, et même bien des améliorations administratives se sont accomplies sous son empire.

Quoi qu’il en soit, la pensée d’une réforme est née moins d’un besoin intime, irrésistible du pays que de la pression exercée par la confédération germanique. Ici comme dans le Holstein, la diète de Francfort mettait une opiniâtreté singulière à poursuivre l’exécution de la décision du 23 août 1851, c’est-à-dire à ramener toutes les constitutions particulières aux principes fondamentaux de la confédération. Cette situation se dessinait nettement dès le commencement de la dernière session. Le lieutenant du roi grand-duc, dans son discours d’ouverture, annonçait la révision prochaine de la constitution, et le lendemain survenait un projet qui restreignait la liberté de la presse, élevait le cens électoral, limitait la durée de la session de la chambre à quarante jours, et diminuait la compétence du pouvoir législatif. Une majorité considérable se prononçait immédiatement contre ce projet de révision, et l’adresse était votée dans cet esprit, malgré quelques efforts de conciliation tentés par le parti ministériel. De là naissait une lutte des