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dans le moment où précisément l’empereur Napoléon s’efforçait de resserrer ses liens avec lui, et il n’avait encore, par aucune mesure, préparé la transition de l’alliance française à l’alliance russe. Enfin il avait une conscience timorée, et il était incapable de cette duplicité froide et soutenue qu’eût exigée, dans les circonstances terribles où il était placé, le rôle d’allié parjure. Lorsqu’il apprit que le coup était fait, qu’York avait traité avec les Russes, il s’écria : « Il y a de quoi être frappé d’apoplexie. Que faut-il faire ? Arrêter York, et, si on ne peut l’arrêter, le faire juger par contumace ! Mon contingent appartient à l’empereur ; c’est par conséquent au général en chef de l’armée française à décider de son sort. »

D’abord les actes répondent aux paroles. Un aide de camp du roi, le colonel Natzmer, ira porter à Murat et à York le désaveu formel de la convention de Taurogen. Le commandement du contingent est donné au général Kleist. Ce général fera arrêter York, le dirigera sur Berlin, et se mettra, lui et son corps, à la disposition du généralissime français. Le roi ne sait qu’imaginer pour convaincre Napoléon qu’il n’a point trempé dans la trahison de son lieutenant. Le prince de Hatzfeld est envoyé à Paris ; il annoncera à l’empereur que si le corps d’York est perdu pour l’alliance, 20,000 autres soldats vont être mis à notre disposition. Frédéric-Guillaume donne lui-même ses instructions au prince. « Assurez bien l’empereur, lui dit-il, que rien n’est capable d’ébranler ma fidélité. Mes sujets sont indisposés contre les Français : ces sentimens ne s’expliquent que trop par la nature des choses ; mais, à moins qu’ils n’y soient poussés par des exigences intolérables, ils ne remueront pas….. Je suis l’allié naturel de la France ; si je changeais de système, je serais toujours sacrifié par les Russes et ensuite de nouveau par la France, qui me traiterait en ennemi, et avec raison….. Dites à l’empereur que des sacrifices pécuniaires, je ne puis plus en faire, mais que, s’il me donne de l’argent, je puis encore lever et armer pour son service de 50 à 60,000 hommes. »

À tous ces témoignages, ce malheureux prince en ajoute un dernier ; ainsi que le descendant des Hapsbourg, le chef des Hohenzollern sollicite l’honneur d’unir son sang à celui du vainqueur d’Iéna. « S’il est nécessaire, dit le roi, de consacrer mon alliance politique avec la France par un mariage entre le prince royal et une princesse de la famille impériale, et si le résultat d’une telle union doit être de placer ma monarchie dans une situation plus élevée et plus solide que celle où elle est actuellement, je n’hésiterai pas. »

Aucune des mesures de rigueur ordonnées contre le général York ne fut suivie d’effet. Lorsque le colonel Natzmer se présenta aux avant-postes russes pour demander passage et aller remplir sa mission auprès du général, il fut conduit devant le comte de Wittgens-