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silence d’une grande crainte et d’une grande colère, » dit Tacite. Pison avait rejoint Galba et venait mourir avec lui. Les mauvaises nouvelles arrivaient de toutes parts. Les conseils les plus contraires se croisaient. Les uns, les poltrons, disaient qu’il fallait rentrer au palais, les autres monter au Capitole, le plus grand nombre s’établir dans les rostres; c’étaient les nouveaux rostres établis par César à l’extrémité méridionale du Forum. Les anciens rostres, placés à l’autre extrémité, au pied du Capitole, venaient de voir Othon salué empereur. Dans ceux-ci, Cicéron avait parlé contre Catalina, dans les autres contre Antoine. Maintenant Catilina s’appelait Othon et Antoine Galba, mais il n’y avait plus de Cicéron. Le fameux il est trop tard, qui est le mot de toutes les révolutions rapides, échappe ici à Tacite. « Comme il arrive, dit-il, dans les délibérations malheureuses, on jugeait le meilleur le parti qu’il n’était plus temps de prendre. »

Galba flottait entre les diverses déterminations qu’on lui proposait, tandis que dans sa litière il était poussé çà et là par les ondulations de la foule. Alors parurent les soldats qui venaient du camp avec Othon. « Ni l’aspect du Capitole, dit Tacite, ni celui des temples qui dominent le Forum (c’étaient le temple de la Concorde et le temple de Saturne, dont les ruines ou les restes le dominent encore), ne peuvent les arrêter. » Ils dispersent le peuple et s’élancent vers Galba, qui était à l’autre bout du Forum. Par suite du trouble de ceux qui le portaient, le vieil empereur est précipité; il roule à terre près du lieu où Curtius avait plongé dans le gouffre : un soldat lui coupe la gorge, d’autres déchirent ses bras et ses jambes, que ne protège pas sa cuirasse, ou frappent le cadavre, déjà décapité. L’infortuné Pison est arraché du temple de Vesta, situé tout près du Forum, là où est l’église de Saint-Théodore; on l’égorgé, sa tête et celle de Galba sont portées sur des piques, à côté des aigles. Cette scène de l’empire romain est encore plus hideuse que les scènes de notre terreur, qu’elle rappelle, car si des têtes furent portées par des misérables dans les rues de nos villes, on ne les vit jamais à côté des drapeaux de nos armées.

Voici qui surpasse tout : ce peuple, ce sénat, qui voulaient défendre Galba, et que ses meurtriers ont chassés du Forum, se précipitent au camp pour leur rendre grâces de ce qu’ils ont fait, pour insulter Galba, pour baiser la main d’Othon; mais dans ce moment, comme pour punir ces lâches citoyens, on apprend que Vitellius a pris les armes. Ainsi tant de bassesse sera perdue. En se prosternant devant le vainqueur et en outrageant le vaincu, on n’a rien fait; voici un autre concurrent qui peut-être l’emportera. Alors viennent toutes les terreurs de la guerre civile, alors on regrette celles même de ces guerres qui ont laissé un souvenir funeste. L’empire s’est