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sur l’Océan-Pacifique; il serait nécessaire d’en construire un artificiellement à Brito, et d’y établir deux môles. On serait ainsi entraîné à une dépense que le colonel Childs évalue à 14 millions environ, mais qui sans doute serait bien plus considérable.

L’ingénieur américain a aussi étudié avec le plus grand soin tout ce qui se rapporte à la canalisation de la rivière San-Juan : il a mesuré partout la profondeur et la pente du lit. Les difficultés qu’on éprouverait à rendre le fleuve navigable dans toute la longueur sont de telle nature que le capitaine anglais Liot croyait plus économique de creuser un canal latéral entre le lac de Nicaragua et l’Océan-Atlantique, et d’y amener les eaux du San-Juan et du lac. M. Michel Chevalier admettait cette même nécessité au moins sur une bonne partie du cours du San-Juan. C’est à ce dernier avis que s’est en partie rangé le colonel Childs. Les écluses placées aux rapides ne sont point, dans son projet, établies sur le fleuve lui-même, mais, ce qui du reste est presque partout plus convenable, dans des coupures latérales formant un tronçon de canal. Du côté de l’Océan-Atlantique, on abandonne complètement le fleuve pour un canal latéral de 28 milles de long qui aboutit au port de San-Juan. Suivant M. Childs, la longueur du cours du San-Juan est de 119 milles : sur cette distance, la rivière ne serait canalisée que sur 90 milles, au moyen d’excavations faites dans le lit et de digues; le reste de la voie serait formé par le canal proprement dit. La différence de niveau entre le lac de Nicaragua et l’Océan-Atlantique est de 107 pieds à marée haute et de 108 pieds à marée basse, et M. Childs croit nécessaire d’établir quatorze écluses de ce côté comme de celui du Pacifique.

C’est peut-être ici le lieu de faire remarquer que les prétendues différences de niveau observées entre les deux océans n’étaient dues qu’à des erreurs d’observation. Le colonel Lloyd avait annoncé que la différence des deux niveaux est de 9 pieds environ, et M. Garella, d’après les mesures qu’il avait prises à Panama, avait porté cette différence jusqu’à 19 pieds. Il y a bien longtemps que l’illustre M. de Humboldt et après lui M. Arago avaient contesté l’exactitude de ces résultats, et les travaux de nivellement du chemin de fer de Panama, aujourd’hui achevé, sont venus confirmer d’une manière irréfutable la justesse de leurs observations. Les marées sont inégales des deux côtés de l’isthme : elles varient beaucoup plus fortement du côté du Pacifique que du côté de l’Atlantique. Ainsi à Panama la différence est de 18 à 24 pieds entre la marée haute et la marée basse, tandis qu’elle n’est que de 18 à 24 pouces à Chagres; mais le niveau moyen des deux océans est absolument le même. Les nombreuses observations recueillies des deux côtés de l’isthme de Panama n’indiquent qu’une insignifiante différence