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Tandis que pour pleurer, compagne favorite.
Dans son grand lit sculpté l’attendait Marguerite.

Elle fut prise un jour d’un grand frisson de froid :
Elle sentait venir les pédans du grand roi.
Ils vinrent en effet, et sans le fabuliste.
Sans le comédien qu’elle trouva fort triste,
Sans le siècle poudré qui refit la chanson.
Bien sûr, elle fût morte en son bois de Chinon.

Un de ces jours derniers, un poète, un des vôtres.
Pris au piège du doute aussi comme les autres,
Autrefois byronien, poète au sombre ennui,
Qui d’avoir trop pleuré se repent aujourd’hui,
S’en alla la chercher, cette muse de France;
Mais soit qu’il eût de lui trop grande défiance,
Ou soit que, la voyant dormir sous un pommier,
Il la trouvât trop belle ainsi pour l’éveiller :
« Muse, lui dit-il, ce n’est que moi; sommeille. »

Lui-même, on ne sait plus ou s’il dort ou s’il veille.


SOUVENIR D’UN VIEIL AIR.


C’est étrange, il ne faut qu’une simple romance.
Le souvenir lointain d’un air de notre enfance,
Pour rendre à notre cœur toute sa pureté.
Ses premières pudeurs et son honnêteté.

Refrain naïf éclos sous sa main délicate.
Fragment presque oublié d’une vieille sonate
Que Mozart a rêvée et qu’il n’écrivit pas,
Je vous répète encore, en m’endormant, tout bas.
Et vous vous réveillez, jours de mon premier âge.
Je vous vois encadrés dans un frais paysage;
Vous passez en riant, vous tenant par la main.
Foulant une herbe haute au bord d’un grand chemin.

Du platane élevé tombe le crépuscule;
La nuit vient; vous criez : O déesse, recule,
Arrête un peu ton char, laisse-nous, laisse-nous;
N’éteins pas le soleil; Ah! nos jeux sont si doux!
Vois quel nœud d’amitié divine nous rassemble.
Quel charme de courir sous les arbres ensemble !
La pelouse est si verte, et cette heure du soir
Est si belle! Demain pourra-t-on se revoir?
On s’embrasse, on se dit adieu. Puis c’est la mère
Qui veut qu’on s’agenouille et dise une prière.
« De ces plaisirs lassés, souvenez-vous un peu,
Dit-elle, que tout bien ici-bas vient de Dieu. »