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Michel-Ange attachait plus d’importance à la manière de grouper ses personnages qu’à la précision des contours. La Salle de la Signature, gravée par Volpato, nous offre un argument encore plus décisif. Parmi les planches publiées par la calcographie pontificale, celles de Volpato occupent à bon droit un rang très élevé, et cependant elles n’offrent qu’une image très infidèle de la pensée de Raphaël ; toute grandeur a disparu ; nous n’avons plus devant nous qu’un assemblage de figures coquettes ; théologie, philosophie, poésie, jurisprudence, tout a subi le même sort. L’élégance est remplacée par la coquetterie ; le burin a taillé le cuivre non pas timidement, mais pourtant sans hardiesse, et les figures créées par le pinceau de Raphaël se sont transformées à l’insu de Volpato. Parlerai-je des coupoles de Parme, déjà gravées plusieurs fois, et tout récemment par Toschi et ses élèves ? On ne peut refuser au travail de Toschi le mérite de la pureté ; mais, hélas ! combien la copie est demeurée loin du modèle ! Qui pourrait deviner dans ces planches, où le noir et le blanc sont si habilement distribués, la souplesse merveilleuse de la peinture ? Ceux qui ont gardé dans leur mémoire le souvenir de ces divines coupoles se demandent comment l’œuvre d’Allegri, gravée à Parme par des hommes habiles, qui pouvaient chaque jour, à toute heure, consulter le modèle qu’ils voulaient reproduire, a perdu le caractère qui lui appartient.

Je n’insisterai pas plus longtemps sur les infidélités de la gravure, et chacun comprendra pourquoi je ne parle pas des Bacchanales de Ferrare. Le jugement que je porte sur les ouvrages vus de mes yeux est déjà soumis à des chances périlleuses, car je ne m’attribue pas une clairvoyance souveraine ; ma prétention ne va pas au-delà d’une parfaite sincérité. J’ai besoin, pour soutenir cette prétention, de ne jamais accepter le témoignage d’autrui. D’ailleurs, si je regrette de n’avoir pas vu les Bacchanales de Ferrare, je ne crois pas que l’étude de ces compositions, si célèbres dans l’histoire de la peinture, fût de nature à modifier mon opinion sur la valeur et le rang du maître vénitien. Les Bacchanales en effet n’ont jamais été vantées par les contemporains comme supérieures à la Vénus qui décore aujourd’hui la Tribune de Florence. Ainsi, lors même qu’elles nous offriraient un ensemble de figures égales en beauté à la Vénus que nous avons étudiée, notre opinion ne changerait pas. C’est une lacune regrettable dans les documens dont nous pouvons disposer, mais une lacune qui ne s’oppose pas à l’accomplissement de notre tâche. Le caractère voluptueux et sensuel de la Vénus de Florence nous donne la mesure de Titien dans ce genre d’expression. Les Bacchanales de Ferrare n’ajouteraient rien à notre admiration pour ce merveilleux talent. Il vaut mieux n’en rien dire que d’en parler d’après des renseignemens indirects. Les œuvres