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soutenue, fut écrasée et ramenée. Ce ne fut qu’à une heure de l’après-midi que le maréchal Ney put opérer son mouvement sur Preititz et s’en emparer. Un temps irréparable avait été perdu. Blücher, averti qu’une armée tout entière débouche sur ses derrières et menace là seule ligne de retraite qu’aient les alliés, envoie au secours de Kleist et de Barclay de Tolly une partie de son infanterie, 20 escadrons et 20 pièces de canon, arrête par ce grand coup les progrès de Ney, puis il fait savoir à Wittgenstein, à Miloradovitch et au prince Eugène de Wurtemberg le danger qui les menace tous.

Dans ce même moment, l’empereur venait d’ordonner une attaque générale contre le front de l’ennemi. Tout s’ébranle en même temps : Marmont, Mortier, Bertrand, Soult, la garde, les escadrons de Latour-Maubourg s’élancent impétueusement, gravissent les hauteurs de Kreckwitz et débordent la gauche des Prussiens. Tout plie sous ces efforts concentriques. Blücher, assailli de tous côtés, rallie ses colonnes, descend précipitamment, mais sans désordre, des hauteurs qu’il vient de défendre avec une énergie héroïque, gagne Pürchwitz, puis la route de Wurtchen, qui est libre, et effectue sa retraite sur Reichenbach ; il est sauvé. Ce mouvement fut opéré avec une telle précision, que Ney ne s’en aperçut pas, et lorsque ce maréchal arriva sur les mamelons de Klein-Bautzen, les Prussiens n’y étaient plus.

De leur côté, Miloradovitch et le prince Eugène de Wurtemberg avaient obtenu de grands succès sur les troupes d’Oudinot. Ils avaient pour eux la supériorité du nombre, une artillerie considérable, l’avantage de leur position, qui dominait la nôtre, et d’où leurs feux plongeaient sur nos bataillons et y semaient la mort. Après une lutte acharnée, dans laquelle la division Pacthod se couvrit de gloire, ils étaient parvenus à reprendre tous les points dont nous nous étions emparés la veille, et à nous ramener au pied de la montagne, lorsque les avis de Blücher leur apprirent qu’ils n’avaient pas un instant à perdre pour gagner Wurtchen et Hochkirch, et se sauver. Barclay de Tolly, avec un courage qu’on ne peut trop admirer, se dévoua pour assurer le salut de l’armée russe. Placé sur les hauteurs de Belgern, il opposa une barrière infranchissable aux attaques successives des troupes de Lauriston et de Régnier.

La victoire que nos armes venaient de remporter à Bautzen était glorieuse, mais aussi incomplète que celle de Lutzen, et elle nous avait coûté aussi cher, environ de 20 à 25,000 hommes, tant tués que blessés.

L’opération confiée au prince de la Moskowa ne produisit point tous les résultats que s’en était promis l’empereur. Le défaut de cette belle combinaison, c’était d’avoir été conçue sur une échelle trop vaste. La distance que le maréchal avait à parcourir en trois jours