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torités, au mépris du droit des gens et de tous les usages pratiqués entre nations policées, enlevait la personne du premier secrétaire de la légation de France, M. Édouard Lefebvre, s’emparait de tous ses papiers et le faisait conduire en Russie, où il fut détenu prisonnier jusqu’à la paix.

La Prusse signifia officiellement sa déclaration de guerre à M. de Saint-Marsan le 17 mars, et le 27 au duc de Bassano.

Dans la nuit du 2 mars, le vice-roi dut évacuer Koepnick, se replier sur Wittenberg et repasser la rive gauche de l’Elbe. De puissans renforts lui arrivaient de tous côtés : c’étaient d’abord les 16 seconds bataillons du 1er corps et les 16 seconds bataillons du 2e corps, qui venaient de se réorganiser à Erfurt, et qui présentaient ensemble un total de 26,000 combattans, puis la division du général Lagrange, destinée à faire partie du 2e corps, et enfin tout le 5e corps, déjà réuni à Magdebourg, sous les ordres du général Lauriston.

York, Stein et Wittgenstein en insurgeant la Vieille-Prusse, les chefs des sociétés secrètes par l’activité de leur propagande, le gouvernement par ses édits de février, avaient mis sous les armes toute la jeunesse virile du royaume. C’était un résultat immense ; mais l’empereur de Russie voulait plus encore : il voulait faire violence à tous les gouvernemens allemands, et, en dépit des obligations qui les liaient vis-à-vis de la France, les entraîner en soulevant leurs peuples. Pour réussir, le tsar et le roi de Prusse ne reculèrent devant aucune extrémité ; avec une témérité sans exemple, ils n’hésitèrent point à faire appel à des passions toujours promptes à s’éveiller dans le cœur des hommes. Abolition des distinctions féodales, égalité civile, liberté politique, ils promirent tout aux peuples allemands. Une force nouvelle, souvent désordonnée et aveugle, toujours terrible dans l’explosion de ses premiers accès, la passion populaire, apparaît alors et altère sensiblement l’action froide et contenue des cabinets. Ici c’est Blücher qui parle aux Saxons un langage inspiré : « Nous portons nos pas dans les lieux que nous montre le doigt de la Providence. Vaillans Saxons, l’heure de la délivrance est venue. Aux armes ! levez l’étendard contre vos oppresseurs, soyez libres ! » — « Dieu est à nos côtés, s’écrie un autre général ; nous affrontons l’enfer et ses alliés ; toute distinction de naissance, de rang, de pays est bannie de nos légions ; nous sommes tous des hommes libres. » Mais ces appels à de nobles passions ne suffisent pas encore aux alliés ; leurs généraux, dans des proclamations qui sont des ordres, affectent la sauvage énergie des Espagnols. « La levée en masse, disent-ils, doit combattre à outrance, harceler l’ennemi, lui couper les vivres ; elle ne doit pas craindre d’anéantir les soldats marchant isolément. Elle s’arme indifféremment de fusils, de faulx, de sabres et de fourches. À l’approche des Français, les habitans doivent évacuer