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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/629

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série d’actions, que l’on peut prévoir et calculer, un rayon de lumière parcourt l’espace et revient à l’œil, comment il établit entre nous et les objets cette relation qui nous les montre ; le problème de l’éclairement général du monde est résolu dans son ensemble. Si l’observateur que je viens de mettre en scène est un savant, il se préoccupera moins de la nature qu’il a devant les yeux que des phénomènes qui la rendent visible, il songera aux réflexions, aux diffusions, aux réfractions des rayons lumineux ; il voudra étudier et expliquer les effets optiques complexes qui s’accomplissent dans l’espace, et dont le résultat final est la vision.

À côté de cette belle science se place le plus séduisant des arts, la peinture. Comme l’optique, elle doit son origine à la lumière ; comme l’optique, elle observe les phénomènes que cet agent développe, mais elle procède à ces études à un point de vue essentiellement différent ; elle ne s’inquiète pas de savoir quelle est la nature intime de la lumière, elle ne fait pas l’analyse de ses mouvemens, elle a l’habitude et le droit d’ignorer les calculs que fait l’optique : ce qui a de l’importance à ses yeux, ce n’est pas la cause, ce sont les effets ; c’est la distribution harmonieuse des ombres et des clairs, c’est la dégradation des teintes que produit l’éloignement, c’est la relation des éclairemens avec les formes des objets. Et quand après une minutieuse étude elle a observé toutes ces apparences optiques, ce n’est point à les expliquer qu’elle se voue, c’est à les reproduire par un mensonge ingénieux ; elle étend sur une surface polie des poudres colorées mêlées d’huile, et s’efforce d’imiter les effets lumineux qu’elle voit dans la nature. Si notre voyageur est un artiste, il songera aux contours gracieux des objets, il rêvera de clair et d’ombre, de blanc de plomb et de bitume, de glacis et d’empâtement.

Entre un opticien et un peintre il n’y a donc rien de commun, si on considère les impressions qu’ils reçoivent et le but qu’ils poursuivent : l’un imite des apparences sans les vouloir expliquer, l’autre veut analyser des effets sans chercher à les fixer ; mais ils se rencontrent dans leurs études sur un terrain qui leur est commun ; ce sont les mêmes sujets qu’ils étudient, ce sont les mêmes scènes dont tous deux examinent les détails avec la même attention et le même soin, mais avec des intentions différentes. Il en résulte que leurs observations sont communes, et il est permis de penser que la science des uns pourrait bien n’être pas sans utilité à la pratique des autres, tout comme on peut croire que la précision et l’habileté des remarques de l’artiste donneraient au savant la connaissance de faits qu’il ignore et de phénomènes qui sont restés sans explication. Il semble donc qu’un besoin commun devrait réunir les peintres et les physiciens, et pourtant tout le monde sait qu’ils vivent éloignés les