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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/640

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figurer l’ombre, il a choisi une ocre plus ou moins mélangée de tons foncés : ce sont ainsi des couleurs différentes qui servent à peindre un même objet inégalement éclairé, et souvent il arrive que les tons employés sont inharmoniques. Alors le photomètre montre qu’on ne peut, en éteignant la lumière, la rendre égale à l’ombre dans le tableau, parce qu’on leur a attribué des colorations qui ne correspondent pas, et l’ombre n’a pas la même teinte que la lumière. On ne fait ici aucune appréciation mathématique, on ne détermine point quel est le rapport de deux éclats, mais on possède un instrument qui peut avertir le peintre des erreurs qu’il commet et qui lui fournit le moyen de les corriger.

Voyons maintenant si réellement la peinture représente fidèlement les scènes naturelles, ou bien si elle n’atteint qu’une vérité de convention. Nous avons à suivre une marche bien simple : étudions avec soin dans la nature les conditions de l’éclairement, mesurons-les, puis entrons dans les musées, soumettons les tableaux que l’on y conserve à la même analyse, et comparons les résultats de ces deux études. Si nous ne voyons que de légères différences, nous admettrons que la peinture est la fidèle image de la nature ; mais, si nous venons à constater des divergences considérables, nous aurons à la fois prouvé que les reproductions sont incomplètes et qu’il est utile de donner aux arts un instrument qui puisse les aider.

Je continue l’exemple d’un coup de soleil frappant un corps et d’une ombre portée sur lui. Je mesure le rapport des deux éclats ; je l’examine pendant l’été ou durant l’hiver, aux diverses heures de la journée, par des temps inégalement beaux et dans des circonstances très différentes. Je trouve, on le conçoit, des résultats extrêmement différens ; mais, en résumant toutes les mesures prises, on voit que ce rapport est compris entre des limites qu’il ne dépasse jamais, entre 10 et 20, c’est-à-dire que les parties frappées par le soleil sont dix fois au moins et vingt fois au plus aussi lumineuses que les ombres portées. L’extrême variabilité de ce rapport laisse, comme on le voit, une très large latitude à la peinture à laquelle nous ne demanderons qu’une chose, c’est de rester entre les mêmes valeurs extrêmes, 10 et 20. Or, quand on étudie successivement les coups de soleil dans les tableaux et qu’on récapitule ensuite les valeurs du rapport cherché, on voit qu’elles sont comprises généralement entre 2 et 4, c’est-à-dire que la puissance du soleil y est plus petite que dans les paysages vrais, et qu’elle se trouve diminuée de 80 pour 100. On a peine à concevoir comment l’œil peut laisser passer sans les apercevoir des inexactitudes aussi considérables.

Cependant tous les paysagistes sont loin de mériter au même dégré ce reproche que je leur adresse, les artistes de l’école moderne ont fait un énorme progrès dans le sens de l’exactitude ; tout le monde a