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J’aurai la naïveté d’avouer l’idée que cette comparaison m’inspira. Voyant toute l’illusion produite par des tableaux si peu exacts, je pensai qu’on arriverait à des effets plus saisissans encore, si l’on s’astreignait à maintenir rigoureusement des rapports égaux d’éclairement dans la nature et dans les tableaux, et je résolus de peindre ma fenêtre avec le secours d’un photomètre, comme si j’avais été Granet, et que mon cabinet eût été le cloître des capucins de Florence. Je fis le ciel nuageux avec une couleur irréprochablement blanche, et les châssis furent d’abord représentés de sentiment avec un gris passablement foncé. Puis je voulus me juger moi-même. Je pris mon photomètre, et je reconnus que je m’étais trompé : mon châssis était trop brillant ; j’y remis du noir. Je recommençai l’épreuve, et le résultat fut le même. Je fus successivement amené à obscurcir le châssis, et je m’aperçus bientôt qu’il était impossible d’arriver à la vérité. Le noir le plus pur n’y aurait pas suffi. La reproduction était radicalement impossible, et quand même j’aurais réussi à trouver une couleur assez foncée pour le châssis, il m’aurait fallu des tons nouveaux et bien moins lumineux encore pour tous les détails encore moins éclairés de l’intérieur.

Sans la crainte de tourner trop longtemps dans le même cercle d’idées, je pourrais multiplier mes critiques et prouver par de nouveaux exemples que la peinture ne réussit pas mieux à reproduire les éclats que l’œil ne suffit à les estimer. Je ne ferais que développer cette vérité déjà évidente, qu’il existe entre les effets de la lumière naturelle et ceux qui la représentent dans les tableaux une divergence qui n’excite ni étonnement, ni répulsion, et dont rien ne faisait soupçonner l’étendue. Je veux aller plus loin : je veux prouver que ni les photomètres, ni le talent des artistes, ni la science, ni le savoir-faire ne peuvent sauver la peinture de ces inexactitudes, qu’elle est irrévocablement condamnée aux mêmes erreurs à moins d’inventer des procédés nouveaux, et que ceux des effets naturels qui lui sont accessibles sont compris entre des limites étroites que je vais fixer.

Dans une vue de la nature, il y a nécessairement des points plus sombres que tous les autres, comme il y a des parties qui nous envoient la lumière la plus intense, et c’est entre ces éclats extrêmes que se classent et se graduent les divers objets qui composent le paysage. Nous voyons d’abord auprès de nous des terres, des arbres ou des édifices ; leurs détails sont précis, leurs contours nets, leurs lumières vives, leurs ombres foncées : c’est dans ces ombres que nous découvrons les parties les plus obscures du paysage. Plus loin sont placés d’autres arbres et d’autres maisons, et nous les voyons à travers la couche d’air qui nous sépare d’eux, couche qui affaiblit les rayons qu’ils nous envoient, et qui, étant elle-même illu-