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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/705

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si elle était conforme à la dignité helvétique. Les pouvoirs publics de la Suisse ont été mieux inspirés que M. Fazy. Par un acte de bon vouloir, par la libération de quelques prisonniers, ils ont rattaché la France à leur cause, et ils ont mis la Prusse en demeure de montrer le même esprit de paix, de mettre le sceau de sa propre sanction à l’indépendance définitive de Neuchâtel. Si c’est à ce but qu’aspire M. de Gasparin dans deux brochures qu’il a successivement publiées, s’il veut arriver à la consécration irrévocable de l’indépendance du canton suisse, le résultat répond à sa pensée. Pourquoi demander alors à une politique cassante et belliqueuse ce qu’on peut obtenir par la paix et par des négociations qui n’ont certes rien d’humiliant pour la fierté de la Suisse ?

Un des côtés les plus curieux à observer dans cette affaire de Neuchâtel, qui a été sur le point de devenir une affaire européenne, c’est le rôle de l’Allemagne. Parmi les états à qui la Prusse avait à demander le droit de passage pour son armée, il en est qui ont déféré aussitôt à cette demande. Le grand-duc de Hesse offrait même d’aller au-devant des Prussiens quand ils entreraient sur son territoire. Les états plus voisins de la Suisse, et qui pouvaient devenir le théâtre de la guerre, y ont mis plus de réserve ; ils ont attendu avant de se prononcer, et l’événement leur a donné raison. Quant à l’Autriche, elle a ressenti, dit-on, quelque froissement de voir la France exercer cette sorte de médiation à laquelle elle se croyait peut-être quelques titres. Du reste, on ne peut pas dire que le cabinet de Vienne soit venu en aide à la Prusse en cette conjoncture ; il lui a plutôt créé des embarras, tout comme la Prusse créait des difficultés à l’Autriche pendant la guerre d’Orient. Une bonne manière d’arriver à ses fins en Allemagne quand on veut tout arrêter, c’est de vouloir mettre en mouvement la confédération tout entière, représentée par la diète. C’est ce qu’a essayé de faire l’Autriche, bien moins certes par un sentiment de libéralisme ou de protection à l’égard de la Suisse que par un sentiment de rivalité à l’égard de la Prusse, et pendant ce temps la crise se précipitait, l’affaire marchait à son dénoûment.

Voilà donc deux questions qui disparaissent à la fois et qui ne se survivent en quelque sorte que par ces suites inévitables qu’ont tous les incidens diplomatiques d’une certaine importance. Or, dans cette éclipse des grandes affaires, c’est la vie intérieure des peuples qui passe au premier rang. L’activité de la diplomatie, en se ralentissant, laisse apparaître cet ensemble d’institutions, de mœurs, de faits ou d’idées dont le travail incessant remplit et anime l’existence d’un pays. Quant aux faits en eux-mêmes, ils sont d’habitude peu nombreux en France, et, même quand ils se multiplient, ils conservent encore le plus souvent aujourd’hui un caractère administratif ou économique ; ils touchent à des intérêts spéciaux, quand ce ne sont point des faits exceptionnels qui troublent et attristent le cours simple des choses. Politiquement, dans quelques jours le corps législatif va se réunir ; ce sera la sixième session législative depuis l’établissement des institutions régnantes et la dernière de la législature actuelle. Puisque, dans un délai prochain, des élections nouvelles doivent avoir lieu pour la formation d’un nouveau corps législatif, puisque le pays ne peut rester indifférent à un acte de la vie publique aussi grave, il est tout simple aussi que bien des esprits se soient préoccupés d’une affaire déjà soumise à divers tribunaux, et qu’on