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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/769

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ancienne n’eût pas dépassé l’enceinte de la Rome de nos jours[1]. En effet, la plus grande partie de la Rome moderne occupe l’ancien Champ-de-Mars, où il ne se trouvait aucune habitation privée, mais seulement des édifices publics, temples, théâtres, basiliques. Des sept collines, quelques-unes, il est vrai, qui ne sont presque point habitées, l’étaient autrefois : nous le savons pour le Cœlius, où il y avait des isles, c’est-à-dire des agglomérations de maisons qui brûlèrent sous Tibère, et qu’il fit rebâtir ; mais d’autres collines étaient dès lors couvertes presque entièrement de jardins, l’Esquilin par exemple, la plus considérable par son étendue des sept collines. L’espace qui s’étend des pentes de l’Esquilin au Forum était, j’en conviens, très peuplé, mais seulement dans le quartier populaire de la Suburra, où la foule indigente qui le remplissait n’avait pas besoin de beaucoup de place, et s’entassait sans doute comme il arrive dans nos faubourgs de Paris, auxquels ressemblait la Suburra. Il ne pouvait en être de même dans l’élégant quartier des Carines, dont les habitations opulentes devaient occuper plus de place et ne pas contenir autant d’habitans. Le Palatin avait été envahi tout entier par la demeure impériale, qui, sous Néron, s’était prolongée jusqu’à des points fort éloignés. Le quartier toscan, entre le Forum et le Tibre, était fort populeux, mais tout cela réuni ne donne pas encore un espace assez vaste pour pouvoir y placer la population romaine. Cette difficulté m’avait toujours embarrassé à Rome, et comme poursuivi, jusqu’au jour où tombèrent sous mes yeux les passages des auteurs anciens qui prouvent que le milieu de Rome était dans la région où s’élève le Colisée. Il me fut alors démontré que la ville devait s’étendre fort loin au sud par-delà le mur d’Honorius, où elle s’arrête aujourd’hui, hors des portes Saint-Jean-de-Latran et Saint-Sébastien, et se prolonger le long des voies Latine et Appienne autant qu’elle se prolongeait au nord, à la droite de la voie Flaminienne. Désormais j’étais tranquille, j’avais trouvé le centre de Rome, et je pouvais loger le peuple romain.

Après avoir satisfait ma curiosité par cette recherche topographique, je reviens au Colisée et à sa signification dans l’histoire. D’abord il se lie à la prise de Jérusalem par Titus, s’il est vrai que des prisonniers juifs ont été employés à le bâtir. Étrange destinée de ce peuple d’avoir mis la main au plus grand édifice de l’Occident, comme ses pères aux palais de Thèbes ou de Memphis ! Par une singulière rencontre, qui fut peut-être intentionnelle, un pèlerin du moyen âge a tracé au-dessus de l’entrée actuelle, en dedans

  1. De laquelle il faut encore retrancher la cité Léonine, bâtie par les papes dans l’Ager Vaticanus. Un lieu qui s’appelle un champ était nécessairement hors de la ville.