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imitait sagement la complète immobilité de son maître. Il grelottait, mais on voyait quelquefois frétiller le bout de sa queue.

La ruse de M. de Francalin réussit. Bientôt un corbeau arriva lourdement et passa au-dessus du canot. Le chasseur épaula et fit feu. Au premier coup, le corbeau s’enleva, au second, il pirouetta sur lui-même, effleura l’eau du bout de ses ailes noires, et alla tomber dans l’herbe à quelques pas du rivage.

— Enfin ! s’écria M. de Francalin.

Comme il se mettait debout pour bien reconnaître la place où l’oiseau se débattait, il entendit crier du côté d’Herblay. Il tourna la tête et aperçut un enfant qui venait de glisser dans la rivière et se tenait cramponné au bout d’une corde qui pendait le long d’un bateau. Une petite fille penchée sur le bord de ce bateau, s’efforçait de retirer son camarade et appelait au secours de toutes ses forces.

— À vous ! à vous ! cria un homme dont la barque était en aval du côté de la Frette.

M. de Francalin sauta sur les avirons et fit voler la Tortue. L’eau jaillissait autour de la proue ; à tout instant, il retournait la tête pour voir quelle distance le séparait encore des enfants.

— Tiens bon ! disait-il ; tiens bon, petite !

Il n’était plus qu’à quelques brasses du bateau, lorsque les mains de l’enfant, engourdies par la fatigue et le froid, lâchèrent prise. La petite fille se pencha brusquement en le voyant disparaître et passa par-dessus le bord. Le courant les prit tous deux et les emporta. Georges lâcha les rames, et, ôtant sa vareuse, se jeta dans la rivière. Tambour sauta après lui. En quatre brassées, le chasseur eut atteint la petite fille, que ses gros jupons de laine maintenaient à la surface de l’eau. Il la saisit vigoureusement par le bras, et nageant d’une main, il la déposa à bord du bateau.

— Tiens-toi tranquille à présent, dit-il ; et il rentra dans l’eau, cherchant de tous côtés.

On ne voyait rien que la surface du fleuve, çà et là rayée par un souffle de vent.

— Cherche ! cherche ! cria Georges à Tambour, qui nageait auprès de lui.

Un léger bouillonnement, qu’il aperçut à quelque distance au-dessus de l’eau, lui indiqua la place où le petit garçon avait sombré. Il y poussa de toutes ses forces ; mais déjà Tambour l’avait devancé, et, plongeant tout à coup, il reparut bientôt, tenant dans sa gueule le pan d’une veste. Deux jambes inertes et deux bras sans mouvement pendaient aux deux côtés de son museau. Georges saisit l’enfant et le souleva hors du fleuve sans que Tambour voulût lâcher prise, et