Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si le palliatif ne fut pas pire que le mal, l’esclavage ayant été non-seulement une dégradation pour l’humanité, mais encore une excitation à la guerre par cet appât de butin vivant offert aux cupidités de certaines races de proie.

Quoi qu’il en soit, ce droit de réduire en servitude les prisonniers de guerre fut effacé du code des nations, chez les peuples de l’Europe devenue chrétienne, par des causes où la religion eut bien quelque part, mais moins qu’on est assez généralement disposé à le croire. La guerre prit dès ce moment un caractère autre que celui qu’elle avait eu chez les anciens, et l’esprit chevaleresque remplaça cet antique héroïsme dont les manifestations, souvent terribles, nous font croire, bien à tort, que nous ne valons pas sous ce rapport les hommes du paganisme. Lorsque nous nous représentons ces hommes se laissant écraser sous les ruines de leurs demeures embrasées, après avoir égorgé leurs femmes et leurs enfans, plutôt que de se rendre au vainqueur, il nous semble que les anciens aimaient plus que nous la patrie, à qui ils faisaient ces sanglans et sauvages sacrifices. En réalité, c’est que la patrie était pour eux bien plus qu’elle n’est pour nous. La patrie, c’était la liberté non-seulement politique, mais civile, c’était la propriété du foyer, c’était l’autorité paternelle, la sauve-garde de l’honneur et de la pureté des femmes et des filles, car on perdait souvent tout cela en tombant entre les mains de l’ennemi. Dans les sociétés modernes au contraire, le changement de domination ne modifie pas la position civile de l’individu. Il n’est donc pas surprenant qu’on éprouve moins de répugnance à s’y soumettre.

Quoique la guerre s’exerçât chez les anciens avec plus de rigueur -que chez les modernes, les grands principes du droit des gens ne leur étaient pas inconnus. Ils savaient les définir et les expliquer, même aux époques les plus reculées. On peut invoquer à ce sujet le témoignage d’Homère, le grand peintre de tant de faits, de tant de choses et de tant de mœurs. Plus tard le divin Platon, dans le cinquième livre de sa République, posa d’une manière fort nette les bases de ce même droit des gens dont les modernes ont fait une science. À Rome, il était connu et pratiqué avec un louable scrupule dans les beaux temps de la république. Cicéron, dans le premier livre du De Officiis, où il en explique les règles, fait ressortir le grand et fécond changement que les Romains introduisirent dans les conséquences de la conquête, en substituant, dans bien des circonstances, l’annexion à l’assujettissement. Il rappelle leur vieux droit fécial, qui ne reconnaît de guerre juste que celle qui est précédée de demandes en réparation et régulièrement déclarée.

Les Arabes, ces rapides et brillans conquérans qui auraient peut-être subjugué le monde, s’ils n’étaient pas venus se heurter contre la puissance des Francs, marchaient à la victoire sous l’ombre d’une